LE QUOTIDIEN : En tant que président de région frappé par la désertification médicale, êtes-vous favorable à la proposition de loi Garot, instaurant une régulation à l’installation des médecins ?
FRANCOIS BONNEAU : Oui ! Il faut que nous trouvions, pour les générations à venir, une manière de faire en sorte que la présence de médecins dans les zones bien couvertes ne soit pas renforcée et qu’inversement, dans les déserts médicaux, celle-ci augmente. Les modalités de cette mesure de régulation restent à discuter et à négocier, afin qu’elles soient incitatives pour les praticiens et de nature à assurer un indispensable bon aménagement du territoire. Il est inacceptable qu’aujourd’hui des habitants n’aient plus accès à un médecin !
Dans votre région sous-dotée, rien ne changera avec la PPL Garot : la liberté d’installation restera de droit. Ne craignez-vous pas que cette mesure de régulation ne résolve pas vos difficultés ?
Certes, si elle est adoptée, la proposition de loi Garot n’aura pas d’effet radical, mais elle va dans le bon sens, grâce aux effets de bord. Ne pouvant plus s’installer à X ou Y endroits correctement dotés, les médecins iront dans les zones moins pourvues et leur nombre s’accentuera mécaniquement dans ces territoires.
En revanche, ce que je propose au Premier ministre est plus radical. Je veux qu’on aille chercher les jeunes partis étudier la médecine à l’étranger, principalement en Belgique ou en Roumanie, après un échec en France, dans des conditions complètement inacceptables, pour leur faire des propositions d’internat, dans les régions largement déficitaires. Cela permettrait d’avoir des effets très rapides, en fonction de la durée de l’internat de leur spécialité et, également, de réaliser leur souhait premier de faire des études de médecine en France.
À l’hôpital de Montargis, cela fait 15 ans qu’on n’a pas vu un médecin formé en France venir ici !
François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire
Justement, vous avez écrit au gouvernement pour faire de votre région une terre d’expérimentation en santé. Que lui demandez-vous concrètement ?
Je ne veux plus qu’on passe notre temps à se demander s’il y a un peu plus ou un peu moins de médecins, ici ou ailleurs, dans notre région. En Centre-Val de Loire, nous en manquons partout ! Prenons l’exemple de la ville de Tours. On pourrait imaginer qu’il y ait assez de médecins, parce que c’est ici que se trouve la faculté de médecine. Eh bien non : le quartier populaire de 15 000 habitants des Rives du Cher n’avait plus aucun généraliste ! Ce n’était pas tenable : j’ai donc financé un centre de santé et salarié quatre médecins. Tous nos territoires dans la région sont prioritaires ; qu’on arrête ces histoires de zonage !
J’appelle aussi à supprimer le numerus clausus [devenu numerus apertus] pour que notre région compense son retard de formation. Si on veut vraiment donner sa chance à chaque territoire, il faut répondre de manière différenciée, pour rejoindre le principe d’égalité dans l’accès aux soins.
Une autre de mes propositions phare est la création de la première année de médecine (Pass) dans les chefs-lieux de département – Bourges, Chartres, Châteauroux, Blois – pour mettre fin au filtre de l’éloignement. Toutes les études montrent que le territoire d’origine est un facteur significatif d’installation. Si ces territoires ne produisent pas d’étudiants en médecine, ils sont privés de ce retour. Nous souhaitons donner également des solutions d’hébergement pour les stagiaires et les internes.
Bref, c’est un faisceau de mesures que je réclame, à laquelle j’ajoute l’accompagnement et la préparation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) à la validation de leur examen. À l’hôpital de Montargis, cela fait 15 ans qu’on n’a pas vu un médecin formé en France venir ici !
“Face à l’incurie, j’ai des personnes qui ne sont pas soignées !
François Bonneau
Face aux manques de l’État sur l’égal accès aux soins, que peuvent faire les régions en termes de santé, domaine qui ne relève pas de leur compétence propre ?
Aujourd’hui, la responsabilité de la formation paramédicale est reconnue comme compétence. Nous avons aussi une responsabilité d’aménagement du territoire. J’ai, en ce sens, cofinancé 120 maisons de santé pluriprofessionnelles, en payant un quart des sommes, l’État aussi, et la moitié la communauté de communes, qui se remboursent avec le loyer payé par les professionnels de santé.
En Centre-Val de Loire, nous aurons aussi bientôt 25 centres de santé, toujours implantés à partir d’une analyse conjointe avec l’État et l’agence régionale de santé. Je défends la complémentarité entre le public et le libéral.
Tout ceci est le fruit d’une décision politique prise en proximité. Face à l’incurie, j’ai des personnes qui ne sont pas soignées ! Les médecins me disent : « Je vois ce patient deux ou trois ans trop tard ». C’est une rupture fondamentale de l’égalité dans l’accès aux soins.
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