Dans un touffu document intitulé « Finances publiques : la fin des illusions », l’Institut Montaigne a dévoilé mardi 8 octobre 2024 une liste sans concession des gisements d’économies dont la France dispose pour redresser ses comptes publics dégradés. La santé n’échappe pas à l’œil du cercle de réflexion libéral, pour qui la trajectoire « insoutenable » des finances publiques de l’Hexagone nécessite « un ajustement structurel important », en commençant par la sphère sociale.
Les médecins libéraux, facteur bloquant ?
La France occupe la troisième place au niveau des dépenses de santé rapportées au PIB parmi les pays de l’OCDE, après les États-Unis et l’Allemagne. Sur les 150 milliards d’euros d’économies dénichés par le think tank, 28 milliards d’euros proviennent du secteur de la santé. L’institut égrène à cet effet quinze mesures pour « renforcer l’efficience du système de soins », parmi lesquelles jaillit une idée commune : les médecins libéraux doivent à tout prix mieux participer à l’effort de guerre, voire, dans certains cas, cesser d’être des facteurs bloquants aux réformes jugées nécessaires.
Le think tank libéral n’y va pas par quatre chemins. Faire des économies réclame des « changements de méthodes » et même de « pratique » au sein de chaque corps de métier pour parvenir à un « meilleur équilibrage des professionnels sur le territoire ». Les experts citent en exemple les mesures « très incitatives » à l’intention des infirmiers qui ont redéfini en mieux leur zonage géographique. Sauf que, dans le cas des médecins, ces derniers « restent défavorables » à toute ingérence dans leur liberté d’installation, regrette l’Institut Montaigne. L’argument financier est pourtant massue : « Le surcoût de ces déséquilibres sur le territoire français avait été estimé entre 900 millions d’euros et 3,2 milliards d’euros en 2017 et, à titre d’exemple, à 100 millions d’euros les effets d’une meilleure répartition territoriale de l’appareillage d'imagerie médicale sur le territoire. »
Travailler un peu plus pour désengorger l’hôpital
Concernant l’engorgement des urgences hospitalières, là encore, l’Institut Montaigne suggère aux médecins libéraux de faire des efforts sur la permanence des soins pour soulager l’hôpital. « À l’instar de ce qui est mentionné dans le rapport Braun [sur les urgences, de juin 2022, NDLR], les professionnels de santé pourraient donc être incités à étendre leur durée de travail sur des plages horaires pour permettre le désengorgement des hôpitaux. Le coût des urgences non pertinentes a été estimé entre 200 millions et 400 millions d’euros en 2015 », lit-on.
Au-delà, nombre d’hospitalisations pourraient être évitées si la France prenait enfin le virage ambulatoire souvent promis. Ce qui réclame, là encore, que les libéraux se mettent davantage en ordre de marche dans le cadre d’un « renforcement de l’organisation de la composante des soins de ville ». En clair, la structuration plus aboutie des soins primaires en France permettrait d’économiser massivement. « Les coûts des hôpitaux pourraient être réduits, soit par une réorganisation des soins, soit par une transformation de la manière dont les soins sont prodigués par les professionnels de santé », insiste l’institut. Le virage ambulatoire permettrait d’épargner jusqu’à 3,2 milliards d’euros, peut-on lire.
Arrêts de travail : mieux « suivre » les médecins
L’institut estime aussi que « certaines pratiques médicales pourraient être réinterrogées de manière à améliorer les soins offerts aux patients tout en réduisant les coûts engendrés ». Ainsi, une prise en charge « plus efficiente » de l’insuffisance rénale chronique terminale permettrait de générer 900 millions d’euros d’économies. Se fondant sur l’expertise de la Cour des comptes, les auteurs jugent que « les médecins privilégient les modes de traitement les plus lourds, en centre de soins spécialisés, alors que certaines options moins coûteuses et plus confortables pour les patients existent », comme l’autodialyse et la dialyse péritonéale. Plus largement, la rémunération à la performance des pratiques et des actes médicaux pourrait être « renforcée » et « orientée vers la prévention ».
Côté prescriptions enfin, un meilleur « suivi » des médecins serait de bon aloi. Au Danemark, note le think tank, les ordonnances sont contrôlées par une agence centralisée qui veille à identifier les atypies et peut restreindre voire suspendre le droit de prescription du médecin. En France, divers dispositifs de contrôle existent mais ne sont pas jugés suffisants, insiste l’Institut. « Afin de limiter les arrêts maladie de complaisance – les indemnités journalières ont augmenté de 50 % entre 2017 et 2022 – plusieurs mesures peuvent être identifiées (accroissement du délai de carence, jour de carence d'ordre public, réduction de la durée maximale d'indemnisation) pour une économie totale de 3,2 milliards d’euros », évalue l’Institut Montaigne. Dans la même veine, il ne serait pas inutile d’accroître la prescription de médicaments génériques, dont la part de marché stagne depuis dix ans alors qu’elle atteint plus de 80 % en Allemagne et au Royaume-Uni.
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