Ce n’est qu’une première étape, mais l’Assemblée nationale a voté en fin de semaine dernière l’allongement du délai légal pour avorter. Parmi les mesures phares du texte figurent l’allongement de 12 à 14 semaines du délai pour une IVG chirurgicale, la possibilité donnée aux sages-femmes de réaliser l'avortement jusqu’à la 10e semaine et la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG. Le texte, porté par la députée Albane Gaillot (ex-LREM) de Écologie démocratie solidarité a été voté avec 86 voix pour et 59 contre.
Vrai risque médical ou faux débat ?
Cette proposition de loi faisait suite à un rapport parlementaire de deux députées adopté par la délégation aux droits des femmes à l’Assemblée qui formulait 25 recommandations pour améliorer l’accès à l’IVG en France.Avant ce vote hautement symbolique, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’était prononcé contre l'allongement des délais, estimant qu’à 16 semaines d’aménorrhée, une IVG nécessite un geste de « dilacération fœtale », « dangereux » et « choquant ». L’Académie de médecine, elle aussi, a affirmé son opposition à ce passage de 12 à 14 semaines de grossesse, déclarant qu’il augmenterait « le recours à des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes et à une dilatation du col plus importante susceptible de provoquer des complications à long terme comme un accouchement prématuré ». Dans le même temps, des médecins dans une tribune publiée dans L’Obs plaidaient pour l’allongement des délais. Ils expliquent notamment que cela permettra de prendre en charge en toute légalité des femmes qui, quand elles en ont les moyens financiers, se rendent dans des pays européens limitrophes où la loi permet des IVG plus tardives. Par ailleurs, sur le plan médical, ils soulignent qu’il y a dilacération et extraction par fragments « même à des termes plus précoces », ajoutant « nul besoin de souligner les détails de la technique, qui est rigoureusement la même, dans l’espoir d’impressionner et de heurter la sensibilité de nos concitoyens ».
Une clause qui fâche
Alors, débat médical ou idéologique ? Le gouvernement, lui, prend ses précautions, même si la proposition de loi a été votée en partie par les députés de la majorité. Lors des débats, Olivier Véran a qualifié le sujet de « sensible » voire « prématuré » et s’en est remis à la « sagesse » des députés, tout en attendant l’avis demandé au Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur le sujet. Celui-ci devrait intervenir avant l’examen du texte au Sénat.
Au-delà de la question des délais, la suppression de la clause spécifique à l’IVG divise également les médecins. Le texte adopté la semaine dernière propose de transformer les deux premiers alinéas de l’article 8 du Code de la santé publique, qui stipulent notamment qu'« un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (…) » ou qu’« aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse ». Le nouveau texte est ainsi rédigé : « Un médecin ou une sage-femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. »
Lors des débats, Albane Gaillot a fait valoir que la clause spécifique maintenait l’IVG « dans un statut à part » alors que « c’est un acte de santé comme un autre ». Dans la tribune de L’Obs, les médecins signataires considéraient que « la double clause de conscience n’apporte aucune sécurité aux femmes, et un médecin qui refuse de réaliser une IVG pour des raisons éthiques ou religieuses ne changera pas de posture ».
À la suite du vote, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) s’est opposé au texte de loi. « Ni la disparition de la clause de conscience ni l’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines ne permettront de répondre aux difficultés qui peuvent se poser à nos concitoyennes souhaitant avoir recours à une IVG », écrit l'Ordre dans son communiqué. La prise de position du Cnom a suscité un tollé chez certains médecins. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) a notamment qualifié sa position de « rétrograde » et estimé qu’il prenait la posture d’un « syndicat plaçant les intérêts de sa corporation avant celui des patients ».
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