Jeudi soir, après des débats tendus, les députés ont voté en première lecture la proposition de loi visant à allonger le délai légal pour avorter. Le texte qui allonge le délai d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines a été voté par 86 voix pour, 59 contre et 7 abstentions. Au-delà de la question des délais, les députés ont également approuvé sur une autre disposition du texte, la suppression de la clause de conscience spécifique pour les médecins et les sages-femmes. En effet le texte adopté propose de remplacer les deux premiers alinéas de l’article 8 du Code de la santé publique qui stipulent notamment : « Un médecin ou une sage-femme n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse (…) » ou qu’« aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse ». Le nouveau texte est ainsi rédigé : « Un médecin ou une sage-femme qui refuse de pratiquer une interruption volontaire de grossesse doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues à l’article L. 2212-2. »
Le gouvernement botte en touche
Lors des débats, la députée Albane Gaillot (du groupe Ecologie, Démocratie, Solidarité) qui portait la proposition a fait valoir que cette clause spécifique maintenait l’IVG « dans un statut à part », alors que « c’est un acte de santé comme un autre ».
À la suite de ce vote, le Conseil national de l’Ordre des médecins, a réagi ce week-end. Il a fait savoir samedi dans un communiqué qu’il s’opposait à la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG. « Comme il l’a exposé fin septembre lors de son audition, l’Ordre des médecins tient à réaffirmer que ni la disparition de la clause de conscience, ni l’allongement des délais légaux d’accès à l’IVG de 12 à 14 semaines, ne permettront de répondre aux difficultés qui peuvent, aujourd’hui encore, se poser à nos concitoyennes souhaitant avoir recours à une IVG », écrit l’Ordre. Il enjoint le gouvernement à prendre des engagements forts pour assurer partout sur le territoire l’accès à l’IVG pour les femmes mais regrette qu’il ne « se soit pas clairement prononcé contre cette proposition de loi » et « déplore l’inaction et l’impréparation de l’exécutif, dont la position n’a toujours pas été arrêtée alors que les débats parlementaires étaient attendus de longue date ».
En effet lors des débats parlementaires, Olivier Véran était gêné qualifiant le sujet de « sensible », voire « prématuré » et s’en remettant à l’avis du CCNE, demandé en début de semaine, et qui devrait arriver avant le vote au Sénat.
Position "rétrograde"
La position de l’Ordre des médecins a suscité des réactions hostiles chez certains membres de la profession, en particulier la nouvelle génération. Le syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), dénonce « une nouvelle position rétrograde » de l’Ordre. « En multipliant ces prises de position politiques réactionnaires, qui engagent l’ensemble du corps médical, l’Ordre donne à voir son vrai visage : l'équivalent d'un syndicat plaçant les intérêts de sa corporation avant celui des patients. Il outrepasse ainsi ses fonctions (…) », ajoute le syndicat dans un communiqué incendiaire.
Sur les réseaux sociaux également, plusieurs médecins, dont plusieurs anciens présidents des internes de médecine générale (Isnar-IMG), se sont insurgés de cette prise de position et l’absence d’argumentation qui l’accompagne, selon eux.
Donc, si je comprends bien l'argument c'est : c'est pas suffisant donc on s'oppose.
— Maxence Pithon (@Max_Pithon) October 10, 2020
1. Sur la base de quoi vous dites que ça sert à rien ?
2. Que faites-vous pour garantir l'accès à l'IVG ?
Mesure certes pas suffisante mais qui a le mérite d'essayer. Il faudra bien sûr évaluer.
Des arguments toujours plus pauvres pour des décisions toujours plus rétrogrades. Merci de continuer de diffuser une image aussi déplorable des médecins.
— Camomille (@drcamomille) October 10, 2020
Quels sont vos arguments,@ordre_medecins? En quoi la suppression de la clause de conscience spécifique à l'IVG va mettre en peril la liberté de conscience des medecins antiIVG déjà protégée par la clause de conscience générale que tout medecin peut invoquer en toute circonstance?
— canevet jean paul (@jpcanevet) October 10, 2020
C'est quoi cette prise de position toute pétée ? Désolée pour cette réaction à chaud mais à quel moment vous avez décidé de devenir un syndicat/mouvement d'idées sans nous prévenir ? Et pourquoi s'y opposer aussi brutalement si le seul argument c'est que c'est insuffisant ?
— Lucie Garcin (@grn_lucie) October 10, 2020
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