Le parcours des malades atteints de cancer nécessite une innovation organisationnelle majeure, la coordination des soins.
Avec le développement de l’innovation technologique, le recours accru à l’ambulatoire, l’évolution vers la chronicité, les prises en charge des patients en oncologie se transforment à un rythme soutenu, impliquant désormais plus d’acteurs, dans des laps de temps plus courts. Or, tous ces facteurs ont en commun d’exiger des modes de coordination précis, entre professionnels de santé, et entre actions de soins. Ce constat ne fait qu’exprimer une réaction logique face à un phénomène classique en management : plus une activité se complexifie, plus la coordination doit être réfléchie précisément. Il serait caricatural de considérer que les réformes actuelles, et notamment le plan cancer 3 en France, ne tiennent pas compte de ce besoin. Mais la difficulté à laquelle se heurtent ces réformes est de considérer une implantation concrète... et coordonnée de ces approches. Elles réclament de répertorier les actions qui peuvent aider à cette meilleure coordination, et de comprendre comment elles peuvent contribuer à une stratégie d’ensemble.
• En premier lieu, les modes de paiement actuels n’incitent pas à la coordination dans le cadre des parcours, trop émiettés entre l’hôpital (la T2A) et la médecine libérale (paiement à l’acte majoritairement).
Ce constat appelle au développement de paiements incitatifs à la coordination, allant de la rémunération d’un acte tel qu’une consultation infirmière à un forfait global. Dans tous les cas, l’objectif est de mieux valoriser financièrement une partie ou toutes les actions concourant à une relation plus étroite entre professionnels hospitaliers et de ville.
• Les modes d’organisation actuels aussi répondent mal aux besoins de transversalité nécessaires à la fluidité entre les différentes étapes du parcours, et notamment aux demandes d’information des patients tout au long de leur parcours. En réponse, de nouvelles formes organisationnelles et de nouveaux métiers comme les infirmières de coordination sont proposés. Ces nouveaux métiers posent de nombreuses questions quant à leur positionnement par rapport à ceux existants ou à leur contenu (entre l’expertise clinique et les compétences managériales). Mais ils offrent l’avantage de faciliter les transmissions d’information et d’améliorer la réactivité du système face aux demandes d’orientation du patient de plus en plus nombreuses. En complément, des dispositifs organisationnels transversaux tels que les réseaux, les structures de sortie des patients ou d’autres (l’extension des réunions de concertation pluridisciplinaire, notamment) sont également susceptibles de garantir un maillage plus étroit entre les professionnels de santé impliqués.
• Le suivi à distance des patients devient nécessaire. De plus en plus de situations appellent à informer le patient à son domicile ou à pouvoir lui répondre en cas de demande. Technologies de l’information dans ses différentes variantes de télésurveillance, portails Internet dédiés aux patients, applications et plateformes sont des solutions pouvant favoriser des suivis et des expertises à distance et éviter des venues injustifiées à l’hôpital et des gaspillages liés à des défauts de coordination.
• Enfin, l’engagement plus actif du patient et de son entourage obtenu par l’éducation est potentiellement une autre source d’amélioration de la coordination. Pour cette raison, tous les outils relatifs à l’éducation thérapeutique sont aussi concernés.
Au-delà de la nouveauté apportée par ces solutions ou les registres évoqués, l’innovation principale est sans nul doute de pouvoir les mener de front. Car c’est de la combinaison de tout ou partie des actions répertoriées que résulte l’amélioration en matière de coordination des soins.
La coordination ne se décrète donc pas et ne dépend pas que du développement d’outils ! Elle concerne une vraie approche managériale, de terrain, avec toutes les questions d’implantation que cela soulève 3.
Ces thèmes seront au centre du congrès Rencontres de la cancérologie française (RCFr 2015), parcours de soins, parcours de vie, les 15 et 16 décembre 2015.
Pr. Etienne Minvielle, MD, PhD, titulaire de la chaire de management, Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), directeur de la aualité des soins, gestion des risques, relation aux patients, Institut de cancérologie Gustave-Roussy.
1. Bodenheimer, T., Wagner, E. H., Grumbach, K. Improving Primary Care for Patients. JAMA, 2002, 288-15: 1909–1914.
2. Faraj, S.,Y. Xiao."Coordination in Fast-Response Organizations" Management Science, 2006, 52-8: 1155-1169.
3. Jarzabkowski P.A., et al. Toward a Theory of Coordinating:Creating Coordinating Mechanisms in Practice. Organization Science, 2012, 23-4: 907–927.
Avec le développement de l’innovation technologique, le recours accru à l’ambulatoire, l’évolution vers la chronicité, les prises en charge des patients en oncologie se transforment à un rythme soutenu, impliquant désormais plus d’acteurs, dans des laps de temps plus courts. Or, tous ces facteurs ont en commun d’exiger des modes de coordination précis, entre professionnels de santé, et entre actions de soins. Ce constat ne fait qu’exprimer une réaction logique face à un phénomène classique en management : plus une activité se complexifie, plus la coordination doit être réfléchie précisément. Il serait caricatural de considérer que les réformes actuelles, et notamment le plan cancer 3 en France, ne tiennent pas compte de ce besoin. Mais la difficulté à laquelle se heurtent ces réformes est de considérer une implantation concrète... et coordonnée de ces approches. Elles réclament de répertorier les actions qui peuvent aider à cette meilleure coordination, et de comprendre comment elles peuvent contribuer à une stratégie d’ensemble.
Actions d'un parcours de soins en oncologie
Les actions pour assurer une meilleure coordination du parcours en oncologie sont variées. Elles jouent sur quatre registres principaux : les modes de paiement et d’organisation, les technologies de l’information et l’éducation du patient1. Chacun de ces registres répond à des faiblesses observables dans le système actuel.• En premier lieu, les modes de paiement actuels n’incitent pas à la coordination dans le cadre des parcours, trop émiettés entre l’hôpital (la T2A) et la médecine libérale (paiement à l’acte majoritairement).
Ce constat appelle au développement de paiements incitatifs à la coordination, allant de la rémunération d’un acte tel qu’une consultation infirmière à un forfait global. Dans tous les cas, l’objectif est de mieux valoriser financièrement une partie ou toutes les actions concourant à une relation plus étroite entre professionnels hospitaliers et de ville.
• Les modes d’organisation actuels aussi répondent mal aux besoins de transversalité nécessaires à la fluidité entre les différentes étapes du parcours, et notamment aux demandes d’information des patients tout au long de leur parcours. En réponse, de nouvelles formes organisationnelles et de nouveaux métiers comme les infirmières de coordination sont proposés. Ces nouveaux métiers posent de nombreuses questions quant à leur positionnement par rapport à ceux existants ou à leur contenu (entre l’expertise clinique et les compétences managériales). Mais ils offrent l’avantage de faciliter les transmissions d’information et d’améliorer la réactivité du système face aux demandes d’orientation du patient de plus en plus nombreuses. En complément, des dispositifs organisationnels transversaux tels que les réseaux, les structures de sortie des patients ou d’autres (l’extension des réunions de concertation pluridisciplinaire, notamment) sont également susceptibles de garantir un maillage plus étroit entre les professionnels de santé impliqués.
• Le suivi à distance des patients devient nécessaire. De plus en plus de situations appellent à informer le patient à son domicile ou à pouvoir lui répondre en cas de demande. Technologies de l’information dans ses différentes variantes de télésurveillance, portails Internet dédiés aux patients, applications et plateformes sont des solutions pouvant favoriser des suivis et des expertises à distance et éviter des venues injustifiées à l’hôpital et des gaspillages liés à des défauts de coordination.
• Enfin, l’engagement plus actif du patient et de son entourage obtenu par l’éducation est potentiellement une autre source d’amélioration de la coordination. Pour cette raison, tous les outils relatifs à l’éducation thérapeutique sont aussi concernés.
Au-delà de la nouveauté apportée par ces solutions ou les registres évoqués, l’innovation principale est sans nul doute de pouvoir les mener de front. Car c’est de la combinaison de tout ou partie des actions répertoriées que résulte l’amélioration en matière de coordination des soins.
Et le facteur humain ?
En complément de toutes ces suggestions, il ne faut pas oublier que la coordination nécessite des comportements humains eux-mêmes coopératifs. Or c’est un facteur dont la fragilité est connue en management, du fait de conflits d’intérêt, d’absence de langage commun, de comportement opportuniste ... La coordination ne se limite pas à un simple échange d’informations, mais englobe généralement un transfert de connaissances et un échange de savoirs2. Toutes ces notions qui gravitent autour de la fidélisation et de la confiance établie entre personnes évoluant au sein d’une même organisation (ici, le parcours) sont essentielles à la bonne marche d’un travail collectif.La coordination ne se décrète donc pas et ne dépend pas que du développement d’outils ! Elle concerne une vraie approche managériale, de terrain, avec toutes les questions d’implantation que cela soulève 3.
Ces thèmes seront au centre du congrès Rencontres de la cancérologie française (RCFr 2015), parcours de soins, parcours de vie, les 15 et 16 décembre 2015.
Pr. Etienne Minvielle, MD, PhD, titulaire de la chaire de management, Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), directeur de la aualité des soins, gestion des risques, relation aux patients, Institut de cancérologie Gustave-Roussy.
1. Bodenheimer, T., Wagner, E. H., Grumbach, K. Improving Primary Care for Patients. JAMA, 2002, 288-15: 1909–1914.
2. Faraj, S.,Y. Xiao."Coordination in Fast-Response Organizations" Management Science, 2006, 52-8: 1155-1169.
3. Jarzabkowski P.A., et al. Toward a Theory of Coordinating:Creating Coordinating Mechanisms in Practice. Organization Science, 2012, 23-4: 907–927.
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