« C’est une réforme attendue depuis très longtemps, mais qui se met en place dans une forte contrainte de temps », selon le Dr Luc Ginot, adjoint au Directeur de la santé publique de l’ARS Île-de-France. En effet, les associations, le rapport Morlat ou l’Igas ont tour à tour plaidé pour la fusion des centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) avec les centres de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (Ciddist).
Comme le rappelle le Dr Aminata Sarr, chargée de mission dépistage VIH/IST, Direction générale de la santé, ces deux types de structures, « fruits de l’histoire », ont aujourd’hui des missions complémentaires mais en partie redondantes : ainsi toutes deux ont une mission de prévention, de dépistage et de diagnostic VIH/hépatites, les Ciddist ayant parallèlement un rôle dans la prévention, le dépistage et le diagnostic des autres IST. Autre difficulté, la lisibilité de l’offre sur le territoire : « Parmi les 368 centres existants, 68 % ont la double casquette CDAG et Ciddist et 64 % sont hospitaliers, tandis qu’une centaine relève des collectivités territoriales. En conséquence, il existe aussi une disparité des financements » (deux enveloppes assurance maladie, financement par les crédits de décentralisation, crédits de prévention/Fir). Avec l’article 47 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2015, la lisibilité et l’accessibilité du dispositif sont simplifiées à travers un seul type de structure, les Cegidd, une habilitation unique par l’ARS, et une seule ligne budgétaire de l’assurance maladie. Avec deux différences de taille : l’anonymat facultatif sera choisi par l’usager. Et l’intégration d’une nouvelle mission : l’approche globale de la santé sexuelle. Un pas important, puisque cette dernière fait ainsi pour la première fois son entrée dans la loi. « C’est une recentralisation par l’État de la lutte contre les IST, mais les collectivités territoriales pourront néanmoins gérer un Cegidd dans le cadre d’une convention conclue avec l’ARS », a rappelé Aminata Sarr. L’ARS programmera la stratégie, la coordination, le suivi et l’analyse de l’activité des Cegidd.
Cegidd/planning familial : complémentaires ?
Le Dr Éric Billaud, président du Corevih Pays-de-la-Loire souligne la complexité de la notion de santé sexuelle, « état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité, (…) sous l’influence de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, éthiques, juridiques, historiques, religieux et spirituels » selon l’OMS. Or, le contexte dans lequel prend place cette réforme est particulièrement délicat : recrudescence des IST, sous-utilisation des vaccins anti-VHB ou anti-HPV, insuffisance du dépistage, croissance du recours à la contraception d’urgence et baisse de l’utilisation de la pilule, inégalité sociale d’accès à la contraception, difficultés autour de la sexualité des personnes en situation de handicap ou en situation carcérale, promotion de la santé sexuelle insuffisante dans les établissements scolaires… La création des Cegidd en tant qu’interlocuteur unique pourrait donc réduire l’une des difficultés actuelles constatée sur le terrain : la disparité des acteurs, des promoteurs et des initiatives de terrain sans coordination ou concertation suffisantes.
Aujourd’hui, il existe peu d’expériences françaises en matière de centres dédiés à la santé sexuelle, qui permettent de mieux répondre aux besoins : « Le 190 à Paris, trois centres sur l’Île de la Réunion, un centre en projet à Toulouse. Dans les Pays de la Loire, un réseau d’appui et d’expertise en santé sexuelle essaye de coordonner les actions du territoire », a justement décrit Éric Billaud. Mais pour orienter les centres qui vont se mettre en place dès janvier 2016, ce dernier a rappelé quelques attentes fortes : « Avoir une approche holistique de la santé sexuelle, une approche également positive, non discriminante, à travers une offre facilement accessible et un suivi global. »
Quel avenir pour les centres de planification ?
À côté de ce nouvel acteur, se pose la question du rôle des centres de planning et d’éducation familiale (CPEF) : complémentarité, rapprochement, fusion ? « Les CPEF ont des compétences et des spécificités qu’il faut conserver », a insisté le Dr Claire Terra, médecin coordinateur du CPEF du centre médico-social de Nanterre. Les Ceggidd étant toujours un outil de lutte contre les IST et non un outil généraliste autour de la santé sexuelle, les deux structures méritent de perdurer, en complémentarité. Il faudra en trouver les leviers. Parmi eux, « il va falloir forcer le vecteur communautaire et associatif qui devra être présent dans ces lieux », a complété Éric Billaud. Un argument effectivement important, et revendiqué par les représentants associatifs présents. Ève Plenel, directrice de l’association Arcat a rappelé combien « les associations se sont battues pour métisser les pratiques, apprendre des expérimentations communautaires ». Sur toutes les questions concernant le risque de rupture de soins, Stéphane Morel, chargé de mission chez Aides a aussi rappelé leur complémentarité aux côtés des professionnels : « Grâce au volontariat et au militantisme, nous avons une certaine souplesse et une adaptabilité. Nous pouvons appeler les personnes, les accompagner à un rendez-vous ou un test de confirmation diagnostique… L’accompagnement à la prophylaxie pré-exposition est aussi très efficace », a t-il insisté.
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