2020 est une année particulière pour chacun d’entre nous mais peut-être un peu plus pour Marguerite Cazeneuve. À l’école, elle se voyait brûler les planches, rêvant d’une carrière de comédienne à la manière d’Isabelle Adjani et d’Isabelle Huppert. Une grande affiche du festival d’Avignon, édition 2018, orne d’ailleurs son bureau. Le sort en a décidé autrement. En quelques mois, elle est devenue un des piliers techniques de la macronie. Et capte les lumières des médias. Un portrait dans le Point la consacre en pleine crise sociale. Alors que le pays s’enflamme et s’enfonce dans la crise sociale, l’une « des trois spécialistes qui maîtrise le dossier ultra-complexe des retraites en France » échappe au discrédit qui frappe la technostructure. D’un dossier brûlant à l’autre, elle conseille désormais Jean Castex pour les questions de santé au titre de cheffe de pôle et conseillère santé, solidarités et protection sociale. Et surprise, l’ancienne diplômée de HEC qui n’a donc pas fait l’Ena - faut-il parler d’erreur de casting ? - adopte d’emblée le parler vrai. « Avec la Covid-19, nous vivons un moment grave. » Difficile d’imaginer Marguerite Cazeneuve en éminence grise distillant son message avec un ton onctueux, compassé ou adoptant le discours techno. Le débit rapide, le ton cash, évoque plutôt celui des chroniqueuses de talk-show, des influenceuses sur Instagram. Le diagnostic est lâché, brut, quoi qu’il en coûte. Faut-il expliquer cette liberté de ton par un effet générationnel ? Ou à la manière d’Emmanuel Macron par la volonté de briser les codes ? En tout cas la comédie du pouvoir prend un sacré coup de jeune. Et si Marguerite Cazeneuve cite Tchekhov comme l’un de ses auteurs préférés, elle n’a rien de ses héroïnes, torturées, mélancoliques, qui ont souvent brisé leurs rêves de jeunesse en se cognant au réel. Un portrait est une sorte de puzzle. Et on éprouve des difficultés à emboîter les pièces. La cheffe de pôle cite Chantal Ackerman, figure libre d’un cinéma engagé, radical, autobiographique, féministe et qui s’est suicidée en 2015 à 65 ans. Mais comment lier cette référence au parcours de Marguerite Cazeneuve qui relève plutôt de la success story, si loin de la marginalité ? L’on se perd encore à sonder la faille. Repérée par Thomas Fatome, alors directeur de la Sécurité sociale avant d’être aujourd’hui celui de l’assurance maladie, elle est consultante pour Mc Kinsey. Du privé elle passe au public. Débute ensuite en 2016 des missions en CDD sans interruption comme conseillère à Bercy sous la présidence Hollande avant d’intégrer l’Élysée et Matignon depuis 2017. En cette veille des Journées du patrimoine, la salle du conseil de Matignon n’a plus de secret pour Marguerite Cazeneuve qui nous sert de guide. Dans ce tourbillon quotidien, comment écarter l’ivresse du pouvoir, le sentiment de toute-puissance ? « On a parfois le sentiment d’avoir conçu quelque chose de génial mais qui n’est pas reconnu. Il faut prendre de la hauteur. Il faut alors percevoir les signaux faibles de mécontentement », pointe Marguerite Cazeneuve. Afficher donc en permanence une humilité, rester connecté tout en avançant ses dossiers, peut-on maintenir les deux bouts en permanence en résistant au rythme infernal de la machine gouvernementale ? En dépit du poids des responsabilités, de la période si incertaine, le plaisir de travailler au cœur de la machine de l’État, d’œuvrer dans la prise de décision paraît l’emporter, même sur la lourdeur des horaires de travail disputés à la vie de famille. L’heureuse jeune maman d'un petit garçon né le 22 mars dernier dont le papa n’est autre qu’Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS d’Ile-de-France a ainsi travaillé jusqu’à huit mois et demi de grossesse. La Covid-19 constitue-t-elle un horizon indépassable au cours des dîners familiaux ? En vérité, toute la famille est ainsi embarquée dans ce combat de santé publique. Même le père de Marguerite, Jean-René Cazeneuve, député LREM, s’est enrôlé récemment dans la bataille en s’opposant vertement à Robert Ménard, le maire de Béziers qui recommandait la pratique d’un test chez les personnels des crèches de sa ville. « Il faut laisser faire les experts », tacle-t-il avec un esprit de famille bien à propos.
Dans cette équipe, Hugo Gilardi apparaît comme le professionnel de la profession. Ancien élève de sciences-Po et de l’Ena, il connaît tous les arcanes du secteur de la santé. De la direction de la Sécurité sociale à l’Agence de la biomédecine sans oublier la DGOS, le conseiller du Premier ministre a travaillé avec tous les acteurs du secteur, des premiers rôles aux plus obscurs. L’esprit d’équipe n’a pas de secret pour lui. C’est, il est vrai, un ancien joueur de base-ball qui a joué en première division, un sport « qui exige une grande technique, une vitesse d’exécution, une endurance et la mise en œuvre d’une tactique invisible ». Parle-t-on ici du sport américain ou plutôt dresse-t-on le portrait du parfait conseiller ? Son père a été journaliste dans la presse quotidienne régionale avec des postes de responsabilité au sein du Populaire du Centre et de La Charente libre. Sa mère a été élue à la mairie d’Angoulême. La politique est donc une affaire de famille même si on ne plonge pas d’emblée dans le grand bain. Le Grand Homme, la référence historique demeure François Mitterrand avec la date du 10 mai 1981. La gauche enfin entre à l’Élysée. Loin de l’écume des jours et du spectacle du monde, Hugo Gilardi cite le vote de la loi de bioéthique « comme un grand moment de démocratie où les parlementaires ont témoigné d’un grand respect, d’une grande capacité d’écoute ». Quant à Marguerite Cazeneuve, c’est la stratégie autiste menée avec Sophie Cluzel dont elle est la plus fière. Et lorsqu’on l’interroge sur un engagement politique en pleine lumière, l’éventuelle tentation n’est pas balayée d’un revers de main. D’autres années particulières attendent Marguerite Cazeneuve.
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