Face à la dégradation des services d’aides à domicile pour les personnes en situation de handicap, deux associations, l’AFM-Téléthon et APF France handicap, se tournent vers la Défenseure des droits, Claire Hédon. Elles lancent l’alerte pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « non-assistance généralisée à personnes en danger ». Les témoignages de détresse des personnes dépendantes à domicile n'ont cessé de se multiplier.
« Le problème n’est pas nouveau mais les responsables politiques restent sourds aux difficultés des personnes en situation de grande dépendance », résume Pascale Ribes, présidente d’APF France handicap. En avril dernier, le Comité européen des droits sociaux pointait la violation par la France de plusieurs articles de la Charte sociale européenne, au regard des droits des personnes handicapées. En 2021 déjà, le Comité de l’ONU sur les droits des personnes handicapées jugeait aussi que l’État ne remplissait pas ses obligations.
Hospitalisations et placements
Malgré ces condamnations, la crise du secteur de l’aide à domicile s’accentue. Les causes de la pénurie de professionnels formés sont connues : sous-financement public des besoins en aide humaine, insuffisances des tarifications des prestations (notamment de la prestation de compensation du handicap, la PCH), insuffisances des évaluations et des suivis des plans d’aides par les Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ou encore manque de reconnaissance de ces métiers (charge mentale et physique, compétences, rémunération), liste un communiqué commun des associations.
Ces aides sont pourtant essentielles. « Les personnes sont prisonnières de leur propre corps. Leur vie est conditionnée par les aides humaines. Sans elles, il n’y a pas de repas, pas d’accès aux toilettes, etc. Les personnes restent enchaînées à leur lit. Elles sont abandonnées », rappelle Pascale Ribes. Le défaut d’accompagnement adapté à domicile conduit à des hospitalisations, voire, faute de place en foyer, à des placements en Ehpad, « même quand les personnes sont jeunes », déplore la présidente de l’APF. « La charge finit par retomber sur les proches qui pallient les manquements de l’État, poursuit-elle. Quand elle existe, la solidarité familiale se substitue à la solidarité nationale. Ce n’est pas durable. »
Un investissement et non un coût
Mi-septembre, un rapport de la Cour des comptes s’inquiétait des insuffisances de l’offre médico-sociale pour répondre aux « besoins croissants » mais « rarement satisfaits » des personnes handicapées vieillissantes qui en subissent les « conséquences parfois dramatiques ». Les sages de la rue Cambon réclamaient un investissement d’un milliard d’euros par an pour pallier ces défaillances. La Cour a mis en évidence qu’un effort budgétaire pour un accompagnement adapté « n’est pas un coût, mais un investissement, insiste Pascale Ribes. D’autant que ces emplois d’aides à domicile ne sont pas délocalisables. »
Face à « l’inaction totale » du gouvernement, malgré les constats de la Conférence nationale sur le handicap en avril et du comité interministériel en septembre, les associations en appellent à un « Plan Marshall de l’aide à domicile » et à une réforme structurelle du secteur. Au-delà de la nécessaire revalorisation de métiers « déconsidérés et mal rémunérés », l’APF France handicap et l’AFM-Téléthon plaident pour la fin des « petites économies ». La crise est aussi, selon Pascale Ribes, alimentée par une forme de désengagement des MDPH : « pour une même personne, dont les besoins sont inchangés, les plans d’aide sont revus à la baisse », dénonce-t-elle.
Les deux associations ont été reçues par la Défenseure des droits, le 2 octobre. Leur saisine a été jugée recevable par l’autorité indépendante, qui s’est engagée à « faire remonter les difficultés systémiques rencontrées par les personnes handicapées », rapporte Pascale Ribes. Pour les associations, « c’est un levier supplémentaire pour interpeller les pouvoirs publics », poursuit-elle. La Défenseure des droits encourage par ailleurs les saisines individuelles, leur absence revenant à « invisibiliser les situations pourtant catastrophiques ».
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