La navette parlementaire aura duré plus longtemps que d’habitude mais, cette fois-ci, c’est la bonne : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2025) a finalement été adopté définitivement, lundi soir avec un ultime vote du Sénat (dans les mêmes termes qu’à l’Assemblée). D’abord concocté par l’équipe de Michel Barnier, avant d’être censuré, c’est finalement le gouvernement de François Bayrou qui a porté ce budget jusqu’au bout de son parcours parlementaire. Florilège des mesures qui intéressent les médecins.
22,1 milliards de déficit attendu, rallonge pour l’hôpital
En raison d’économies revues à la baisse, le texte final se traduit par un déficit de la Sécurité sociale estimé à 22,1 milliards en 2025, alors que le gouvernement Barnier avait prévu de limiter l’impasse à 16 milliards. L’exécutif fait valoir que le trou aurait été de 30 milliards d’euros « sans budget voté » (autrement dit sans mesure de freinage).
Le texte entérine un coup de pouce significatif sur l’objectif national de dépenses maladie (Ondam 2025), en hausse de 3,4 % l’an prochain, à hauteur de 265,9 milliards d'euros, soit neuf milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2024. C’est bien au-delà de ce qui avait été budgété par le précédent gouvernement (+2,8 %). Avec un sous-Ondam hospitalier de 3,8 %, le gouvernement a principalement accepté une rallonge d’un milliard sur le budget des hôpitaux, exsangues, mais aussi un triplement du fonds d’urgence pour les Ehpad, à hauteur de 300 millions d’euros. « 6 500 professionnels seront recrutés dès 2025 dans les Ehpad », a évalué Catherine Vautrin. La FHF a salué ce mardi « les moyens redonnés aux établissements de santé ».
Taxes additionnelles sur le sucre et les jeux, mais pas sur le tabac
Côté recettes, sous l’aiguillon du Sénat, le PLFSS a renforcé la fiscalité comportementale, avec un alourdissement de la dernière tranche fiscale de la taxe sur les sodas et une augmentation du barème de la taxe sur les boissons édulcorées (en janvier 2026). On relève aussi une hausse de la fiscalité sur les jeux d’argent et de hasard, ainsi que des loteries en ligne (au 1er juillet). Le gain espéré est de plus 300 millions d’euros de recettes. En revanche le gouvernement a renoncé à accélérer la hausse de la fiscalité du tabac qu'avait proposée le Sénat.
Surtaxation des mutuelles
Le PLFSS a donné lieu à un bras de fer entre le gouvernement et les complémentaires santé, accusées d’avoir anticipé dans leurs tarifs 2025 des mesures d’économies qui n'ont pas eu lieu (hausse du ticket modérateur sur les consultations et les médicaments). Le gouvernement Bayrou a promis de récupérer un milliard d'euros auprès du secteur.
Baisse… limitée des exonérations de cotisations patronales
Accroître les recettes de la Sécu en faisant payer davantage les entreprises : c’est un des chapitres qui a le plus divisé lors du débat parlementaire. Alors que le rendement espéré initialement par le gouvernement Barnier de cette réforme des allègements des cotisations patronales était de plus de 4 milliards d’euros, ce ne sera plus que 1,6 milliard d’euros, presque trois fois moins.
Exonération de cotisations vieillesse en cumul… dans les déserts
Supprimées en commission à l’initiative de la gauche, les exonérations de cotisations vieillesse pour les médecins en cumul emploi retraite ont été finalement réintroduites. Mais cette mesure ne s’applique que dans les zones déficitaires et sous réserve que le revenu non salarié soit inférieur à un montant fixé par décret.
Plafonnement des indemnités journalières
En marge du PLFSS, le gouvernement prévoit de baisser le plafond des indemnités journalières versées par l'Assurance-maladie en cas d'arrêt de travail. L'indemnité (50 % du salaire journalier) serait plafonnée à 1,4 Smic, et non 1,8 Smic comme aujourd'hui, pour un gain estimé à 400 millions d'euros.
La taxe lapin instaurée mais renvoyée à un décret délicat
Après quelques atermoiements, le texte instaure un principe de pénalité visant à sanctionner les rendez-vous médicaux non honorés dans le but de responsabiliser les assurés, la fameuse taxe lapin. Concrètement, si cet article passe le barrage du Conseil constitutionnel, il sera possible d’exiger du patient une somme forfaitaire, lorsqu’il ne se présente pas à son rendez-vous ou l’annule sans respecter un « délai raisonnable » avant la consultation et sans le justifier d’un motif impérieux. Le montant et les modalités devront être fixés par décret. L’ex-Premier ministre Gabriel Attal avait proposé que les patients indélicats s’acquittent d’un montant de cinq euros, reversés au professionnel de santé. L’utilisation de l’empreinte bancaire avait été évoquée.
Incitation à utiliser le DMP
Le PLFSS modifié ouvre la possibilité pour les conventions conclues avec l’Assurance-maladie de fixer les conditions de modulation de la rémunération des professionnels de santé, à la hausse ou à la baisse, en fonction de la consultation préalable (avant certaines prescriptions sensibles) et du renseignement du dossier médical partagé (DMP).
Baisse des tarifs dans l’imagerie médicale et les taxis conventionnés ?
Négocier mais le fusil sur la tempe ? Après de vifs débats, le PLFSS autorise le directeur général de la Cnam à procéder à des baisses de tarifs dans les champs de l'imagerie et des taxis conventionnés pour les transports sanitaires, à défaut d’accords de « maîtrise de dépenses » conclus entre les professions concernées et l’Assurance-maladie avant le 30 septembre 2025. Dans chacun de ces secteurs, « au moins 300 millions d'euros d'économies » devront être réalisés au cours des années 2025 à 2027. L’objectif est donc d’obtenir de gré ou de force des accords pluriannuels de régulation, le cas échéant pas des baisses de tarifs.
Un autre article modifie les règles de conventionnement des taxis. L'Assurance maladie pourrait à terme refuser certaines demandes de nouveau conventionnement, dans des zones où la densité de taxis effectuant du transport de malades est suffisante.
Renforcer la lutte contre la fraude
Deux articles visant à muscler la lutte contre la fraude sont retenus : l’un est censé faciliter les échanges d’informations entre la Cnam et les complémentaires ; l’autre accélère le déploiement de la carte Vitale dématérialisée, avec l’application dédiée sécurisée, couplée à une authentification avec la carte nationale d'identité (CNI).
Le remboursement des appareillages auditifs, qui a fait l’objet de fraudes, est aussi concerné. L’article subordonne le conventionnement et la prise en charge des prestations des distributeurs au détail des aides auditives, dans leur activité principale ou secondaire, au respect des règles d’exercice et d’installation.
Pertinence des prescriptions : formulaire requis dans certains cas
Malgré les protestations de la profession, le projet de loi contraint les médecins à motiver par un formulaire certaines prescriptions d'actes, produits de santé et prestations pour qu’elles puissent être prises en charge par la Sécu, dans le cas où elles sont « particulièrement coûteuses » ou présentent un « risque de mésusage ». Il s’agit notamment de garantir que ces prescriptions sensibles respectent les indications ouvrant droit au remboursement. La liste des actes, produits de santé et prestations sera fixée par arrêté après consultation des professionnels.
Vers un cahier des charges des centres de soins non programmés
Le PLFSS 2025 s’emploie à fixer un cadre juridique aux centres de soins non programmés, à commencer par leur définition. Ces structures devront respecter « un cahier des charges relatif aux principes d’organisation et aux caractéristiques de leur exercice, à l’accessibilité de leurs locaux, à leurs services, aux délais de prise en charge, à l’orientation des patients dans le parcours de soins et aux prestations minimales attendues ». Par ailleurs, les professionnels de santé exerçant dans ces structures sont tenus de participer au service d'accès aux soins (SAS) ainsi qu'à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Là encore, un décret est attendu.
Centres de soins non programmés : le Sénat durcit les règles du jeu
Des avancées pour les kinés et les infirmiers
Le texte élargit l'expérimentation de l'accès direct aux kinés exerçant dans le cadre d'une structure d'exercice coordonné (maison de santé, centre de santé), jusqu’à 20 départements. Il pérennise la rédaction des certificats de décès établis par un infirmier diplômé d’État volontaire « dans des conditions fixées par décret ».
Remboursement des tests de soumission chimique
Le PLFSS ouvre la voie à une autorisation expérimentale du remboursement des tests de détection de soumission chimique, mis en lumière par l’affaire Mazan et réclamés par l’Ordre des médecins, pour une durée de trois ans, y compris sans dépôt de plainte. Un décret définira les modalités de mise en œuvre, entre mars et juillet 2025. Trois régions maximum seront concernées, avant une possible généralisation.
Médicaments : lutte contre les pénuries et accord d’économies
Le budget renouvelle des mesures de lutte contre les pénuries de médicaments, notamment le recours à la dispensation à l’unité par arrêté en cas de tensions d’approvisionnement de médicaments considérés comme essentiels.
L’industrie pharmaceutique devra aussi accentuer ses efforts. Après une alerte de la Direction de la Sécurité sociale (DSS), ayant signalé un dérapage des dépenses de médicaments à hauteur de 1,2 milliard d’euros en 2024, le gouvernement et le Leem, le syndicat des laboratoires pharmaceutiques, ont conclu un accord pour générer 600 millions d’euros d’économies supplémentaires.
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