Elle n’était pas en terrain conquis, loin s’en faut. La ministre Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités Familles) a eu la lourde tâche de représenter le président de la République lors du 44e congrès de la Mutualité française à Agen ce jeudi 19 juin. Celui-ci est « retenu par la situation internationale », a-t-elle défendu.
Certes, mais Emmanuel Macron est une nouvelle fois absent à ce grand rendez-vous de la protection sociale, après déjà 2022 (il avait toutefois adressé un message vidéo au congrès), auquel aucun chef de l’État n’avait manqué depuis 1982… Par la voix de Catherine Vautrin, le chef de l’État a toutefois transmis « son attachement à la Sécurité sociale et la place qu’occupe la mutualité dans son modèle social ». Les congressistes n’en sauront pas plus sur la vision présidentielle, alors que se préparent les grandes manœuvres pour sauvegarder le modèle social français.
Dans son discours – tantôt applaudi, parfois critiqué – la rémoise a rappelé elle aussi « l’attachement » des Français à leur modèle social. Un modèle qui doit cependant évoluer : Catherine Vautrin a déclaré que si la Sécurité sociale « soigne et protège », elle porte aujourd’hui « les stigmates du temps », avec « un financement qui interroge, une inquiétude sur son organisation et sa soutenabilité ». Jusqu’à mettre en garde : « Peut-elle encore tenir ses promesses dans un monde tellement transformé ? »
La Sécu, priorité politique
Mais gare au court-termisme, redouté aussi par les mutualistes dans la salle, la ministre se montre claire sur le cap : en cet anniversaire des 80 ans, « ce qu’on doit préparer ensemble, c’est le centenaire de la Sécurité sociale », a-t-elle déclaré, puisqu’elle n’est pas « un monument figé » mais « vivant », exigeant d’« interroger comment assurer son avenir ».
Selon Catherine Vautrin, au-delà des chiffres préoccupants (avec un déficit attendu de la Sécu de 21,9 milliards pour 2025), « c’est une crise de confiance qui pourrait s’installer, que les Français se disent que le fondement du pacte républicain est menacé et que la solidarité collective peut vaciller ». « Il est indispensable de transformer la Sécurité sociale, comme étant une priorité politique », a-t-elle avancé, ajoutant que les partenaires sociaux le demandent également.
Le chantier se prépare. Mi-mai, Emmanuel Macron avait évoqué une « conférence sociale » dans les prochaines semaines autour du financement du modèle social hexagonal. Dès juillet, les partenaires sociaux seront réunis à cet effet. « La question, c’est combien chacun veut-il que la société consacre au modèle social ? Et comment chacun est prêt à y participer ? », interroge la ministre. « Il s’agit de l’avenir du pays », insiste Catherine Vautrin. Avant d’appeler à un « nouveau pacte » reposant sur trois piliers : « innovation, responsabilité et justice ». Reste à savoir, au-delà des grands mots, quelles mesures seront décidées et leur impact pour les assurés, les payeurs, les soignants ou les industriels.
Partager les données contre les fraudes
L’une des priorités affichées est la lutte contre la fraude sociale. Un « gâteau », ou plutôt un gisement, de 13 milliards d’euros, selon le Haut conseil de financement de la protection sociale (HCFiPS), duquel le président de la Mutualité Éric Chenut estime qu’il faudrait récupérer « au moins la moitié ».
La FNMF a réclamé à cet effet un meilleur partage des informations entre l’Assurance-maladie et les complémentaires santé, ce qui permettrait déjà de stopper 2,4 milliards de fraudes. Catherine Vautrin y est favorable, car « chaque euro détourné est un euro en moins pour ceux qui en ont besoin », ajoutant que répondre aux fraudes « est indispensable pour restaurer la confiance ». Deux véhicules législatifs, à date, sont envisagés pour concrétiser cet objectif. La proposition de loi déposée à la mi-mai par le député et ORL Cyrille Isaac Sibille (MoDem) et/ou le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Le Conseil constitutionnel avait censuré la mesure du budget de la Sécu pour cette année.
Taxer les complémentaires, pomme de discorde
Le désaccord reste total, en revanche, entre la ministre et les mutualistes sur une éventuelle taxe additionnelle sur les complémentaires afin de trouver un milliard d’euros. « Cela fait partie des sujets qui nous séparent », a euphémisé Catherine Vautrin, précisant toutefois qu’une telle mesure ne pourrait pas porter sur l’exercice 2025. Fermement opposé, Éric Chenut a prévenu que la Mutualité « contestera par tous les moyens, toute augmentation de taxe ».
Vaccination anti-HPV et antigrippale, alcool, tabac, nutrition… Le volet prévention a également été abordé par la ministre, qui compte rendre cet enjeu effectif « à chaque âge de la vie ». Elle s’est déclarée plutôt favorable à la proposition de la Mutualité de reconnaître et valoriser la prévention « comme prestation et service », de manière à pouvoir personnaliser l’approche, à l’image de ce que propose le dispositif « Mon bilan prévention ». Catherine Vautrin s’est dit au passage « particulièrement préoccupée » par le médiocre classement de la France en ce qui concerne la mortalité infantile, laquelle occupe le 23e rang des pays de l’OCDE.
Des états généraux de la santé
Pour donner aux acteurs de la santé la visibilité qu’ils réclament, le président de la Mutualité Éric Chenut a déclaré qu’il était « grand temps de renoncer à l’annuité budgétaire ». Il a également appelé à « l’organisation d’états généraux de la santé et de la protection sociale » pour « partir de la parole des gens », dans tous les territoires, dès l’automne. Une séquence d’échanges et de débats indispensable avant un programme de réforme.
Accès aux soins : la Défenseure des droits entend démonter les discriminations envers les trans
Le Dr Ugo Ricci, généticien criminologue, passionne l’Italie
À l’étranger, des médecins plutôt favorables à l’aide à mourir pour eux-mêmes
749 incidents de cybersécurité déclarés dans les établissements de santé en 2024, en hausse de 29 %