C’est peu dire que leur rapport de 500 pages était attendu. En attendant la présentation par François Bayrou des orientations budgétaires du gouvernement pour l’automne (mi-juillet), le HCFiPS (Haut conseil du financement de la protection sociale), le HCAAM (Haut conseil pour l'avenir de l'Assurance-maladie) et le HCFEA (Haut conseil de la famille de l'enfance et de l'âge) ont remis des préconisations fortes en vue d’un redressement « durable » des comptes de la Sécu. Avec déjà en ligne de mire, le prochain projet de loi de financement (PLFSS) pour 2026.
« Un gros travail collectif, en peu de temps », s’est félicité Dominique Libault, président du HCFiPS, lors d’un point presse ce 3 juillet, tandis que l’état des comptes sociaux est « inédit et préoccupant » à ses yeux. En ce sens, l’expert appelle à « rompre avec le court-termisme » et à « utiliser tous les leviers » à la disposition de l’exécutif, par ailleurs en quête d’économies immédiates pour cette année.
Un effort à 35 milliards en cinq ans
Le message clé des experts est que la Sécu a besoin de ressources nouvelles. De fait, les mesures d’économies et d’efficience, même musclées, ne suffiront pas pour rétablir l'équilibre de l'Assurance-maladie. « Le quantum d'économies d'efficience identifié, de façon volontariste, par la Cour des comptes, ne représente qu'un peu moins de la moitié » de l'effort de 35 milliards d'euros « nécessaire pour ramener l'Assurance-maladie à l'équilibre à horizon 2029 », relève le rapport.
Et pour changer de paradigme, les hauts conseils enjoignent dès maintenant à ce que chaque nouvelle dépense en santé soit gagée « par des économies ou l’apport de ressources équivalentes ». Car à défaut, elles s’ajouteraient à « la dynamique spontanée (des dépenses) liée à la démographie ou à l’épidémiologie » et rendraient le pilotage quasiment impossible. Une Sécurité sociale durablement à la dérive, en quelque sorte.
CSG et taxe comportementales plutôt que TVA sociale
L’équation est donc posée avec gravité par les experts des trois hauts conseils, qui sont des instances de réflexion et non de décision. Puisque les économies ne seront plus à la hauteur des besoins (et des déficits prévisionnels), il faut agir autrement. « Partant de là, le reste de l'effort devra être réalisé soit par des mesures de périmètre d'une telle ampleur qu'elles constitueraient une véritable remise en cause de notre système de prise en charge de santé (...), soit par un relèvement des ressources allouées à l'Assurance-maladie, comme cela a été réalisé au cours de la décennie 2010 », lorsque les comptes sociaux avaient été redressés, indique le rapport.
Le document ne tranche pas sur les modalités des nouvelles recettes. Il relève toutefois que le recours à une TVA sociale est « fortement rejeté par les organisations syndicales qui se sont prononcées ». En revanche, « des évolutions de CSG, l'augmentation du prélèvement sur le patrimoine, les travaux sur les niches sociales et les taxes comportementales sont apparues comme des hypothèses plus consensuelles en matière de recettes », peut-on lire.
« La taxation du patrimoine permettrait, dans une logique d'équité, de prendre en compte la concentration croissante du patrimoine sur les plus hauts déciles, et pourrait être, comme le propose le Conseil de l'âge, en résonance avec le sujet “perte d'autonomie” », souligne aussi le rapport. Quant aux exonérations de cotisations sociales, « elles pourraient pour partie être revues », notamment celles portant sur « les heures supplémentaires ou les indemnités de rupture de conventionnelle », ajoute le rapport.
Toujours côté recettes, le rapport note aussi que le taux d'emploi de la population en âge de travailler (qui a « atteint un haut niveau » avec 69,5 %) « pourrait être encore amélioré », ce qui augmenterait également les ressources de l'Assurance-maladie.
Encadrer la prescription
S'agissant cette fois des économies, le rapport reprend nombre de pistes déjà évoquées par la Cour des comptes ou l'Assurance-maladie : avancer sur la pertinence et le bon usage des soins (notamment du 100 % santé), prioriser les actions de prévention, mener « une action résolue de lutte contre la fraude » et même créer un « observatoire de la situation économique et de la rentabilité » des acteurs privés du système de soin. Sur ce dernier point, il s’agit d’éviter la constitution de « rentes » de situation via des tarifs très élevés et une financiarisation galopante du secteur de la santé. En complément, il est proposé par le rapport de bloquer la prise en charge des produits, actes et arrêts prescrits par les médecins déconventionnés.
Côté praticiens, il faudrait également « renforcer les contraintes qui limitent la liberté de pratique des professionnels de santé et la liberté d’usage par les patients », qu’il s’agisse des demandes d’accord préalable, d’un encadrement de la prescription de certains produits coûteux ou de la limitation des remboursements. À ceci s’ajoute l’urgence d’améliorer l’utilisation de Mon espace santé pour « réduire les coûts induits par la mauvaise coordination des soins ».
Réorganiser les activités hospitalières, fermer des maternités
Au sujet de l’hôpital, le rapport recommande « une meilleure organisation territoriale des activités hospitalières », avec notamment « davantage de mutualisation entre établissements », même si c’est déjà le rôle des groupements hospitaliers de territoire (GHT). De même, « l'expérience d'autres pays montre qu'une réduction du maillage en maternités est possible tout en améliorant les indicateurs de santé », note-t-il, alors qu’existe aujourd’hui un débat sur l’opportunité d’un moratoire sur les fermetures de maternités (voté à l’Assemblée alors que la mortalité infantile augmente en France).
Enfin, concernant les complémentaires santé, le rapport recommande plusieurs mesures pour limiter leurs dépenses et « maîtriser les coûts de leurs garanties pour les assurés, notamment les plus âgés », comme l'allongement du délai de renouvellement de certains équipements, à l’instar des lunettes.
Mesure demandée par le secteur, la transmission croisée d’informations entre l’assurance-maladie obligatoire (AMO) et l’assurance-maladie complémentaire (AMC) est citée comme « enjeu crucial » pour améliorer la lutte contre la fraude, mais aussi la dérive des arrêts de travail.
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