Un anniversaire, une santé de fer et une ambition renouvelée : le régime d’assurance-maladie d’Alsace-Moselle vient de célébrer les 30 ans de sa gestion locale, au sein de la Carsat à Strasbourg, avec de nouveaux projets et un équilibre financier qui pourrait faire des envieux.
Si le régime local fonctionne dans sa gouvernance actuelle depuis seulement trois décennies, c’est en 1883 que l’Alsace et la Moselle, rattachées à l’Empire allemand depuis 1871, bénéficièrent de la première Assurance-maladie obligatoire au monde, mise en place par le chancelier Bismarck. Après 1918, les trois départements redevenus français la conservèrent à titre « provisoire ».
Selon un rapport d'information du Sénat paru en 2024, les réserves du régime local s’élevaient en 2021 à quelque 375 millions d'euros
Le provisoire est devenu définitif. Cette Assurance-maladie devint en 1946 un « régime local obligatoire » pérennisé par la suite et qui continue de prendre en charge les dépenses non couvertes par le régime général, sa marque de fabrique. Moyennant une cotisation unique de 1,3 % déplafonnée sur les salaires, les indemnités de chômage et les retraites, le régime local complète les remboursements du régime général à hauteur de 100 % pour les frais hospitaliers, 90 % pour les soins de ville et les honoraires (hors dépassements) et 90 % pour la plupart des médicaments. « Nous ne sommes pas une mutuelle mais bien un régime obligatoire ! », insiste son président Patrick Heidmann, administrateur CGT à la tête d’un conseil d’administration paritaire qui dispose d’une large autonomie de décision dans ses recettes comme dans ces dépenses.
Réserves
Le régime local assume d’abord un rôle d’amortisseur social, au gré des réformes qui touchent la Sécurité sociale. Ainsi, les ajustements décidés au niveau national sur les remboursements du régime général - en particulier sur les soins dentaires - se sont traduits mécaniquement par une augmentation des dépenses du régime local. Ce dernier a pu maintenir son équilibre grâce à ses réserves, laissant sa cotisation inchangée pour 2025. Selon un rapport d'information du Sénat paru en 2024, les réserves du régime local s’élevaient en 2021 à quelque 375 millions d'euros, soit près trois quarts d'une année de prestations.
À elle seule, la prise en charge totale du forfait hospitalier représente une dépense annuelle de 50 millions d’euros. Le régime a aussi élargi certains droits, notamment aux retraités, et décidé une extension de la prise en charge des enfants majeurs jusqu’à la veille de leurs 24 ans.
Depuis 1998, le régime local a développé des programmes de prévention en santé, choisis en fonction des besoins de la population. Un sillon de la prévention qu’il souhaite continuer à creuser, pouvant y consacrer jusqu’à 3 % de ses dépenses annuelles. Cette année, il a déjà investi 3,5 millions d’euros dans une soixantaine d’actions. Ces programmes de prévention sont menés avec divers partenaires institutionnels ou hospitaliers mais le régime entend s’ouvrir davantage aux structures ambulatoires et soutient à cet effet une quinzaine de contrats locaux de santé, évolution saluée par les médecins libéraux. « Jusqu’à présent, nous n’avions guère de contacts avec le régime local, admet le Dr Claude Bronner, président de l’URPS médecins Grand Est. Mais s’il nous tend la main, nous sommes preneurs pour mener des actions ensemble ».
Santé mentale et activité physique adaptée
La majorité des actions de prévention portent sur les maladies cardiovasculaires, y compris au profit des personnes en bonne santé. Le régime local soutient le programme de réduction des risques cardiovasculaires « Je t’aime mon cœur », fondé sur l’accompagnement et le suivi de plus de 500 personnes à risque ; il organise dans la même veine des « Journées du cœur » dans chaque département.
Cette année, la promotion de la santé mentale est érigée en priorité. Le régime contribuera aux programmes d’activité physique adaptée et de sport santé menés dans les trois départements et il a ajouté à ses axes de travail la prévention de la désinsertion professionnelle et celle des déficits de la vision et de l’audition. Son engagement s’étend aussi à des actions locales de prévention de la BPCO et des cancers, ainsi que dans le soutien apporté au réseau APSA œuvrant contre les maladies métaboliques. « Nous gérons prudemment le régime, sans pression extérieure », avance à son rythme Patrick Heidmann.
Faibles coûts de gestion
Quoi qu’il en soit, les Alsaciens et Mosellans restent attachés à leur Sécu locale d’autant que le régime d’Alsace-Moselle est souvent cité comme un modèle au-delà de son territoire de référence. Il tire une partie de sa rentabilité de ses faibles coûts de fonctionnement - sa gestion étant assurée par la Carsat d’Alsace-Moselle (et représentant à peine 1 % de ses dépenses). Le président du conseil d’administration se garde toutefois d’entrer dans une polémique sur son modeste coût de gestion par rapport à celui des mutuelles. « Encore une fois, nous sommes différents et nos remboursements interviennent entre ceux du régime général et ceux des mutuelles, non pas à leur place ». Cela ne l’empêche pas d’ajouter qu’en termes d’assurés couverts, « si nous étions une mutuelle, nous serions la 5e de France ».
Un grand nombre d’assurés alsaciens-mosellans disposent d’ailleurs de leur propre mutuelle santé à titre professionnel ou personnel, mais ils payent des cotisations très inférieures à celles des assurés du reste de la France, en raison précisément des remboursements intermédiaires du régime local.
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