Plus de 150 acteurs du secteur, institutionnels, industriels, professionnels de santé et usagers ont assisté, vendredi 27 juin, au siège de la Cnam à Montreuil, au lancement des premières Assises de la télémédecine pilotées par l’Assurance-maladie et le ministère de la Santé (DGOS). Ce temps fort marque l’ouverture d’une concertation de six mois et l’organisation de sept ateliers thématiques en région, qui permettront d’établir d’ici à janvier 2026 une feuille de route pour la télémédecine.
« Après l’explosion de l’utilisation de la téléconsultation pendant l’épidémie Covid, nous avons le sentiment que l’on cherche la juste place de la télémédecine dans le parcours de soins et l’organisation de notre système de santé », a constaté Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance-maladie. Après un pic à 17 millions d’actes à distance en 2020 pendant la crise sanitaire, le nombre de téléconsultations réalisées en France a reculé de 2021 à 2023, avant de repartir à la hausse en 2024 avec 13,9 millions d’actes remboursés, soit une progression de 20 % en un an. Entre janvier 2020 et décembre 2024, on compte près de 69 millions de téléconsultations facturées à l’Assurance-maladie correspondant à 1,7 milliard d’euros de remboursement. En 2024, 55 % des téléconsultations ont été facturées par des professionnels de santé libéraux (40 % par des généralistes et 15 % par d’autres médecins spécialistes).
« Besoin d’un cadre clair, équilibré et durable »
Ces dernières années, plusieurs aménagements ont été adoptés à l’initiative de la Cnam pour réguler les arrêts de travail en téléconsultation (limités à 3 jours) et encadrer l’activité des plateformes. Celles-ci doivent désormais répondre à un cahier des charges pour bénéficier du remboursement des consultations à distance. La Haute Autorité de santé (HAS) a quant à elle également émis des recommandations sur les lieux et conditions d'environnement pour la réalisation d'une téléconsultation.
« Il faut aller plus loin pour nous poser les bonnes questions, trouver les bons équilibres, a poursuivi le DG de la Cnam : comment faire pour que la télémédecine soit une réponse structurante à la lutte contre les déserts médicaux ? Notre ambition est de consolider un cadre clair, équilibré et durable, au service d’une télémédecine qui garantisse à tous un haut niveau de qualité des soins. »
Apanage de plateformes privées
Si la téléconsultation repart à la hausse depuis un an, elle ne représente chez les libéraux que 2 % de l’activité des médecins généralistes contre 7 % chez les psychiatres, 6 % chez les endocrinologues et 3 % chez les gynécologues.
L’une des évolutions marquantes, en revanche, est la place de plus en plus importante que prennent les plateformes commerciales dans les téléconsultations, a relevé Marguerite Cazeneuve, directrice générale adjointe de la Cnam, en charge de la gestion et d’organisation des soins. « À la sortie du Covid, ce sont essentiellement des médecins libéraux qui téléconsultaient avec leurs patients, les sociétés ont pris une part de plus en plus importante dans les téléconsultations », observe-t-elle. En 2025, ces entreprises représentent 47 % des téléconsultations réalisées contre 20 % en 2022 et 1 % en 2020, selon des statistiques présentées par la Cnam. Sept d’entre elles ont obtenu ces deux dernières années un agrément ministériel après avoir rempli le cahier des charges mis en place par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 : Medadom, Tessan Med, Qare, Medaviz, Médecin Direct, Livi et EOS Care.
Toujours des « inquiétudes légitimes »
Dans un contexte de tension sur les ressources médicales, l’Assurance-maladie et la Direction générale de l’offre de soins (ministère), affichent l’ambition de préserver la disponibilité des médecins face à leurs patients, en complément du recours à la téléconsultation et à la télé-expertise. « Nous souhaitons utiliser tous les leviers à notre disposition pour renforcer l’accès aux soins de qualité pour tous sur tout le territoire, affirme Marie Daudé, à la tête de la DGOS. Cela passe aussi par la télémédecine en posant les bases d’une vision partagée. » Si elle est perçue par beaucoup comme une opportunité pour lutter contre les déserts, la télémédecine suscite aussi « des inquiétudes légitimes ». La patronne de la DGOS cite « les craintes d’une médecine standardisée et impersonnelle, éloignée du parcours de soins ou d’une financiarisation excessive » : « Nous devons entendre ces préoccupations et y répondre. »
Lever les obstacles à la télé-expertise
Lancée un peu plus tardivement que la téléconsultation, la télé-expertise est également riche de promesses pour donner l’accès à des avis spécialisés, souvent dans des établissements de santé experts. Depuis janvier 2022, 1,5 million de télé-expertises ont été facturées dont 270 000 au premier trimestre 2025. « La télé-expertise suscite une adhésion quasi unanime mais son déploiement reste modeste. Il nous faut lever les obstacles techniques et juridiques tout en préservant la qualité des pratiques professionnelles », affirme Marie Daudé.
Les ateliers organisés en région devraient permettre d’établir comment la télémédecine peut améliorer l’accès aux soins des publics vulnérables et dans quelles conditions la téléconsultation assistée peut être déployée. Des focus seront par ailleurs réalisés sur la télé-expertise mais aussi sur la télémédecine dans les filières visuelle et auditive. Interrogée en marge du lancement des Assises, Marguerite Cazeneuve a déclaré qu’il n’était pour l’heure pas prévu de revenir sur le seuil maximal de 20 % de téléconsultations sur l’ensemble de leur activité pour les praticiens (à l’exception des dérogations accordées aux médecins retraités ou aux femmes enceintes). De même n’est-il pas envisagé de mettre en place une « convention spécifique pour les médecins téléconsultants », comme le réclame la récente Fédération des médecins téléconsultants.
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