Que répondez-vous à Frédéric Valletoux qui qualifie les ARS d’obèses ?
Frédéric Valletoux vise-t-il les effectifs ? ils sont en phase avec les autres services de l’Etat. Chaque année, la productivité des équipes s’accroît alors que le nombre de collaborateurs diminue, tout en assurant des missions de plus en plus exigeantes. L’action des ARS ne se réduit pas à la régulation hospitalière. Les ARS assurent des missions en termes de veille et sécurité sanitaire, de médico-social, de prévention, la santé publique. Elles ont été fortement sollicitées dans la gestion de crise et la préparation aux attentats. Une vision par trop hospitalière des ARS serait réductrice.
On reproche également aux ARS des interventions directes dans la gestion des hôpitaux.
Il faut rappeler que la régulation économique relève de plein droit de leurs missions. Les ARS ne se substituent pas aux directeurs d’établissements, sauf en cas de mise en place d’une administration provisoire justifiée par des dysfonctionnements majeurs. En dehors de ces cas, il est légitime que l’ARS discute de manière précise avec les établissements de santé en difficultés financières. Vous savez qu’il y a des procédures bien précises dans ce domaine. Lorsque l’établissement est en bonne santé financière, l’intervention de l’ARS est-elle légitime ? Je ne le crois pas. Bien sûr, elle n’est pas de même nature, mais les établissements de santé doivent s’inscrire dans la politique de santé nationale et régionale ; par exemple, dans la mise en place du virage ambulatoire, du parcours décloisonné de soins. Mais chacun doit bien sûr rester dans son rôle. Nous en avons beaucoup discuté avec la FHF, notamment dans le cadre d’un groupe de contact avec les DG d'ARS, en particulier lors de la mise en place du plan triennal Ondam 2015-2017 ; et nous nous sommes mis d’accord sur une règle de conduite. J’ai donc un peu de mal à entendre la critique.
On se plaint dans certains cas d’une trop grande autonomie laissée aux directeurs d’ARS. Dans d’autres cas, c’est l’extrême centralisation qui est fustigée. Quelle est la politique défendue par le secrétariat général ? Etes-vous plutôt girondin ou jacobin ?
Nous travaillons sur une stratégie nationale de santé dont les axes sont présentés par la ministre. D’autres outils sont à notre disposition comme les plans nationaux, les textes législatifs et réglementaires. La politique nationale se déploie sur l’ensemble du territoire. Mais la réalité des territoires impose des adaptations. C’est ce qui justifie de laisser aux ARS une certaine autonomie locale afin de mettre en œuvre cette stratégie nationale. Les moyens, les objectifs varient naturellement selon les territoires. Entre une région où s’est déroulée ou pas une restructuration de l’offre de soins, où le travail en commun entre professionnels de santé est depuis longtemps une réalité ou pas, où les revenus de la population sont élevés ou pas, où la population est jeune ou âgée, les problématiques sont différentes. La force des ARS repose à la fois sur la capacité à déployer une stratégie nationale et la capacité laissée au terrain de trouver les bons outils. Il faut donc être à la fois jacobin et girondin.
Mais comment être près du terrain depuis l’installation des super régions ?
La question de la taille des grandes régions n’est pas spécifique aux ARS. Certaines régions sont davantage impactées. Cela suppose des modalités d’adaptation. Les acteurs en ont parfaitement conscience. On ne travaille pas de la même façon quand on a sous sa responsabilité quatre ou treize départements. La réflexion qui émerge depuis la réforme territoriale est de donner un plus grand rôle aux délégations départementales. Ce qui permet d’assurer leur proximité sur le terrain. Pour autant, la délégation départementale n’est pas autonome mais met en œuvre la stratégie régionale.
Certains acteurs regrettent le turnover des directeurs d’ARS.
C’est la mise en œuvre de la réforme territoriale qui peut-être est à l’origine de cette impression. On est passé de 27 à 17 ARS. Par définition, cela a conduit à des changements. Mais il me semble qu’à la différence d’autres représentations territoriales de l’Etat, les préfets par exemple, les directeurs d’ARS sont nommés pour des durées plus longues. Certes, les mandats sont à la discrétion du Gouvernement. Mais l’état d'esprit au ministère est de permettre aux directeurs d’ARS de porter la stratégie du projet régional dans la durée.
L’assurance maladie dispose avec le Caqes d’un nouvel instrument de dialogue avec l’hôpital. Quelle est aujourd’hui la répartition des rôles entre les ARS et l’assurance maladie ?
Le Caqes ne modifie pas en profondeur la situation. Il s’agit d’une simplification. Dans un contrat unique sont rassemblés des dispositifs auparavant distincts. En revanche, la volonté exprimée depuis quelques années, confirmée par Agnès Buzyn, est bien de faire travailler ensemble les ARS et l’assurance maladie. De ce point de vue, la mise en place du plan triennal 2015-2017 sur l’Ondam a constitué un tournant majeur. Cela se traduit par davantage de cohérence dans l’action. Les services de l’Etat, ARS-assurance maladie interviennent sur le terrain de manière plus coordonnée. Et partagent leurs connaissances, leurs données. C’est aussi plus simple pour les acteurs qui peuvent discuter de manière plus aisée avec l’ensemble des pouvoirs publics. C’est bien entendu l’ARS qui est pilote du dialogue de gestion avec les établissements de santé, mais le fait d’y associer l’assurance maladie permet d’enrichir ce dialogue.
Comment cela se traduit-il en pratique ?
Lors de nos discussions avec un directeur d’hôpital, nous disposons par exemple du volume des prescriptions hospitalières réalisées en ville, de celui des transports sanitaires. Cette collaboration nous permet de travailler sur la pertinence des actes et des prestations. C’est un virage important mais qui n’est pas nouveau.
Les acteurs de l’hospitalisation privée épinglent la partialité de certaines ARS qui arbitreraient systématiquement en faveur de l’hôpital public.
Les critiques émanant des deux fédérations témoignent s’il en était besoin du souci d’équilibre qui est celui des ARS. Sur le terrain, nous avons besoin des deux secteurs. Ces critiques sont en fait antérieures à la création des ARS. Je rappelle que les décisions, notamment d’autorisation, se prennent dans un cadre où sont représentés le public comme le privé. Elles sont prises en fonction d’un contexte local, des besoins de territoires, des projets présentés. Tout est fait dans la plus grande transparence, et d’ailleurs, comme vous le savez, sous le contrôle du juge. Il n’y a évidemment pas de politique de faveur destinée à un secteur particulier. La critique me semble un peu rhétorique.
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