« NOUS NE SOMMES pas la pour nous prononcer sur la dépénalisation du cannabis, mais pour avoir le droit de l’utiliser dans certaines indications médicales », précise d’emblée le Dr Patrick Spiess, généraliste à Strasbourg et président de l’association Action Sida Ville, co-organisatrice de cette journée tenue dans les locaux du Parlement européen. Plusieurs exposés ont souligné l’intérêt du cannabis dans la sclérose en plaque, la prise en charge des douleurs cancéreuses, de la maladie de Crohn et des effets secondaires des traitements antirétroviraux. C’est aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Suisse que l’usage du cannabis est le plus développé, avec des protocoles précis et une réglementation officielle qui garantit la qualité des produits et la bonne formation des intervenants. Aux Pays-Bas, 15 000 patients reçoivent du cannabis, en général sous forme de thé ou par vaporisation. La combustion y est certes jugée plus efficace, mais déconseillée pour des raisons sanitaires évidentes, sauf pour les cancéreux en phase terminale.
À l’exemple de la morphine.
Rien de tout cela en France, où de nombreux médecins estiment que le cannabis est actuellement dans la même situation que la morphine il y a quelques années, frappée d’un interdit à la fois légal et moral qui prive les malades de ses atouts. Un médicament à base de cannabis, le Marinol, est exceptionnellement utilisé comme anti douleur et antiémétique, mais ses conditions de délivrance sont si strictes qu’il n’a été prescrit qu’à 11 patients en 2011. Résultat, la quasi-totalité des patients qui désirent utiliser du cannabis l’achètent dans la rue ou le cultivent eux-mêmes. Cent tonnes de cannabis sont récoltées chaque année en France, sans garantie de qualité ni, bien sûr, d’un usage optimal du produit, sans parler des risques légaux.
Le Dr Anny Zorn, généraliste à Strasbourg, prescrit du cannabis à quelques-uns de ses patients, notamment hyperactifs ou sous antirétroviraux, mais les envoie l’acheter ensuite aux Pays-Bas, dont les pharmacies proposent plusieurs variétés sous plusieurs formes. Elle voit dans le cannabis un excellent traitement de l’hyperactivité, intéressant aussi comme complément dans le sevrage de l’héroïne. Pour elle, il est temps de casser les tabous et de parler enfin du cannabis, tout en formant les professionnels à son utilisation.
Si les médecins français sont relativement rares à prescrire du cannabis, ils sont plus nombreux à l’avoir expérimenté. Le Dr Olivier Bertrand s’apprête à soutenir sa thèse, à Nancy, sur l’usage du cannabis chez les médecins généralistes lorrains. Il a contacté les 2 400 généralistes de la région et obtenu 978 réponses. Parmi celles-ci, 281 médecins, soit plus d’un quart, lui ont répondu avoir déjà consommé du cannabis dans leur vie, et 24 en prennent régulièrement. « L’âge moyen des généralistes lorrains étant de 55 ans, cela signifie que ces médecins, au cours de leur vie, ont été ou sont plus expérimentateurs que la population générale, mais consomment moins qu’elle », précise-t-il.
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