Dépistage des stupéfiants

Des tests à valider scientifiquement

Publié le 24/09/2010
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SPÉCIALISTE de toxicologie (CHU de Poitiers), le Dr Mura ne nie pas l’intérêt du dépistage, au contraire, sachant que « le lien entre l’usage de stupéfiants et les risques d’accidents de la voie publique ou d’accidents du travail est aujourd’hui bien établi » et que « les conséquences désastreuses d’un usage régulier de cannabis sur la santé sont également clairement démontrées ». Ce qu’il conteste, c’est l’utilisation ou la mise en vente de tests sans qu’une évaluation scientifique n’ait été effectuée, tant en ce qui concerne leurs performances que leurs indications.

Qu’ils soient urinaires ou salivaires, les tests de dépistage des stupéfiants se présentent sous forme de bandelettes et reposent sur l’immunochromatographie et la réaction antigène-anticorps. Pour le cannabis, l’anticorps fixé sur la bandelette sera dirigé contre le cannabinoïde présent dans les urines (le dérivé carboxylique du THC). Si le sujet a consommé du cannabis, ce composé se fixera sur l’anticorps présent sur la bandelette et on observera une absence de coloration dans cette zone. Il s’agit d’une lecture inverse (la couleur indique la négativité), ce qui, selon le spécialiste, est une première source d’erreur pour les non-professionnels. Plus graves, pour les tests urinaires comme salivaires : les faux négatifs (les anticorps ne réagissent pas avec l’antigène) et les faux positifs (les anticorps réagissent à un composé présentant des similitudes de structure avec le stupéfiant, comme c’est le cas pour les médicaments contenant de l’acide niflumique et le cannabis).

10 % de faux positifs.

Une étude allemande a ainsi mis en évidence pour le Rapid Stat, le test salivaire utilisé en France depuis 2008 pour le dépistage de la drogue au volant, 2,5 % de faux négatifs et 10,8 % de faux positifs. Cette dernière proportion est confirmée par une étude de Patrick Mura et coll. présentée à un congrès national de toxicologie et en cours de publication dans « les Annales de toxicologie analytique » : sur 740 dépistages salivaires, 10,1 % se sont révélés faussement positifs. Les travaux de Sarah M.R. Wille et coll., du Service fédéral de justice de Bruxelles ont pour leur part abouti à des proportions de 16 % de faux positifs et 19 % de faux négatifs (contre 4 et 6 %, respectivement, pour le DrugTest 5000).

Dans le cas des home-tests, il n’y a même pas la sécurité de la confirmation en laboratoire, comme c’est le cas pour les conducteurs (confirmation du résultat positif par analyse de sang). Le Dr Mura cite le NarcoCheck THC Prédosage, disponible sur Internet et qui pourrait faire son apparition dans les pharmacies françaises. La société qui commercialise ce test explique qu’il permet « aux parents de savoir si leurs enfants fument du cannabis et d’établir un réel suivi de leur consommation, en distinguant concentration urinaires faibles, significatives ou fortes ». Pour le toxicologue, une telle affirmation va « contre tout bon sens scientifique », ne serait-ce qu’en raison des variations importantes de diurèse et de concentration des urines.

Le Dr Mura conclut en recommandant de ne pas mettre des dispositifs de dépistage des stupéfiants entre les mains de non-professionnels de la santé sans avoir sollicité l’avis des instances médicales et scientifiques, en l’occurrence celles des académies de pharmacie et de médecine et des sociétés françaises de toxicologie analytique et d’addictologie.

Quotimed.com, le 22/09/2010

RENÉE CARTON
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8822