« Dr Feelgood », l'histoire d'un médecin condamné pour avoir prescrit trop d'opioïdes

Publié le 10/06/2016
Dr Feelgood

Dr Feelgood
Crédit photo : DR

Le Dr William Hurwitz était devenu à la fin des années 1990 et au début des années 2000 un expert reconnu des traitements antidouleur. Des centaines d'Américains venaient le consulter. Poursuivi par les autorités, il a d'abord été privé à plusieurs reprises de sa licence avant d'être jugé et emprisonné, à la suite de deux décès parmi ses patients. « Dr Feelgood », un documentaire consacré à l'histoire du médecin controversé, était présenté au Festival du film de Los Angeles cette semaine.

« C'est un démon. Ce qu'il a fait à ma famille est inqualifiable », déplore, la voix serrée, le mari de Mary Ruth Nye. Suivie par le Dr William Hurwitz, la quadragénaire est décédée en novembre 2000, d'une overdose d'Oxycontin, un puissant opioïde. Il « lui a prescrit 200 pilules lors de sa première visite, deux semaines plus tard il a doublé la dose », se souvient Paul Nye, alors que sa femme ne souffrait que d'un mal de dos, certes intense par moments.

À l’inverse, une autre patiente estime que le Dr Hurwitz l'a « ramenée à la vie ». Molly Shaw est atteinte d'une altération des tissus nerveux. « J'étais clouée au lit, témoigne-t-elle les larmes aux yeux. Je disais que je préférerais un accouchement à cette douleur constante. »

Overdoses d'opioïdes plus meurtrières que les accidents de la route

Le docteur Hurwitz est qualifié tour à tour d'irresponsable, trafiquant, naïf ou sauveur. Son cas est emblématique des overdoses d'opioïdes qui fauchent quelque 20 000 vies par an aux États Unis. Elles sont dorénavant plus meurtrières que les accidents de voiture et le sida. Les médecins sont souvent montrés du doigt, accusés d'être trop laxistes dans leurs prescriptions d'antidouleurs dérivés d'opium.

Le but du film est de montrer que le problème ne peut pas être réduit au fait que « les laboratoires pharmaceutiques et les médecins ont créé une nation de drogués », explique la réalisatrice Eve Marson. La cinéaste de 34 ans explique avoir été sensibilisée au problème par des amis médecins qui voyaient arriver dans leur service « tous les jours » des gens « accros » à ces pilules.

« Si vous êtes médecins vous avez ces médicaments incroyablement efficaces pour traiter la douleur et les gens viennent à vous pour ça, et en même temps, vous avez la responsabilité de ne pas créer une addiction », souligne-t-elle. Les cas de praticiens poursuivis se multiplient, comme le cas d'une femme médecin condamnée pour meurtre en février en Californie.

Le risque du marché noir et des substances frelatées

Le docteur Hurwitz, lui, a toujours clamé sa bonne foi, affirmant que son devoir de médecin est de soulager la douleur, et non de jouer les policiers pour savoir qui suit bien son traitement, qui fait du trafic de médicament parmi ses clients. Avec le recul, il reconnaît avoir résolu ce dilemme peut-être « trop facilement, en choisissant de faire confiance aux patients ».

De nombreux médecins sont terrorisés à l'idée de poursuites et se refusent à présent à prescrire des opioïdes, remarque-t-il, alors que selon les statistiques, entre 50 et 100 millions d'Américains souffrent de douleurs chroniques.

Lorsque les médecins refusent d'augmenter les doses, beaucoup de patients pourraient être tentés de se tourner vers le marché noir où ils risquent d'acheter des médicaments trafiqués, coupés avec des substances dangereuses comme le Fentanyl, un opioïde dangereux, 50 fois plus puissant que la cocaïne.

Pour tenter de freiner l'épidémie, les autorités ont émis des directives pour réduire les durées de prescription et tenter de réduire le nombre de pilules en circulation.

D.P. avec l'AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr