Les sept candidats à la primaire de la gauche ont exprimé leurs diverses positions au sujet du cannabis lors du deuxième débat télévisé, le 15 janvier, allant de l'opposition totale jusqu'à la légalisation, notamment pour un usage thérapeutique.
L'ancien Premier ministre Manuel Valls s'est prononcé résolument contre, rejetant toute légalisation et dépénalisation. « Il faut des interdits dans une société, il faut des règles », a-t-il déclaré. La légalisation entraînerait, selon lui, l'éclosion d'un cannabis « plus dur, coupé autrement, qui alimentera d'autres trafics ; de toute façon, les trafics vont continuer, ce sera encore plus difficile en matière de santé publique ». La priorité : « la prévention », a-t-il dit.
Promesses de grandes conférences
Manuel Valls est rejoint dans le camp du non par Arnaud Montebourg, au nom de la santé publique, face aux « dégâts réels » du cannabis sur la santé. « Regardez les milliards qu'on engloutit pour convaincre les gens de cesser de fumer ou de se livrer à l'addiction de l'alcool », a-t-il lancé. « Si à chaque fois que les pouvoirs publics sont submergés, il faut autoriser, jusqu'où irons-nous ? », s'est interrogé l'ancien ministre de l'Economie. Il a néanmoins adouci son refus en proposant l'ouverture d'une conférence de consensus.
C'est aussi une grande « conférence nationale » que Vincent Peillon promet s'il accède à l'Élysée, pour entendre la voix des experts, les professionnels de la santé et ceux de la sécurité, a-t-il argumenté. « La prohibition, c'est très mauvais », a-t-il résumé, estimant qu'une légalisation pourrait être un chemin « judicieux » à tracer.
Vente dans les bureaux de tabac ou en pharmacie ?
Du côté des partisans d'une légalisation, Benoît Hamon a fait le procès du tout répressif, à l'origine de violences et de ghettos minés par l'économie souterraine, tandis que le nombre de consommateurs ne cesse d'augmenter. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 17 millions de personnes l'ont déjà essayé et près de 1,5 million de Français en consomment au moins dix fois par mois.
L'ancien ministre de l'Éducation nationale veut aller plus loin que la dépénalisation et propose la « légalisation de la distribution pour consacrer à la prévention et à la lutte contre les addictions les 535 millions d'euros dépensés en vain sur la répression ».
Sur la même longueur d'onde, la présidente du Parti radical de gauche, Sylvia Pinel, s'est prononcée en faveur d'une « distribution encadrée du cannabis en pharmacie, pour assainir les trafics ».
Jean-Luc Bennahmias, du front démocrate, qui a déridé le débat en admettant avoir consommé du cannabis mais « pas ce soir », fut le seul à clairement évoquer le cannabis thérapeutique, qu'il souhaite autoriser pour éviter « aux centaines de milliers de patients » de le commander illégalement sur Internet. Il en appelle plus largement à la légalisation pour en terminer avec « 40 ans d'hypocrisie » et l'aveuglement face aux millions de Français qui en consomment, notamment des « personnes âgées, voire très âgées ». Mais il entend l'interdire au moins de 18 ans – sur le modèle de la vente de tabac et d'alcool.
Se concentrant sur la dimension sécuritaire (assécher les trafics), l'écologiste François de Rugy a préconisé l’expérimentation de la vente dans des bureaux de tabac, via une loi pour 5 ans qui pourrait être abrogée en cas de résultats non concluants.
Et les experts ?
Interrogés en octobre dernier par le « Quotidien », les médecins jugeaient qu'il fallait dissocier les débats portant sur l'autorisation du cannabis thérapeutique – qu'ils réclament non sans ignorer les difficultés de l'évaluation de son efficacité – et sa légalisation.
Aux États-Unis, un comité de 17 scientifiques, sollicités par l'Académie des sciences, a conduit une méta-analyse, sur plus de 10 000 études parues depuis 1999. Parmi les principaux enseignements : le cannabis – sous formes de cannabinoïdes par voie orale pris pendant de courtes périodes – s'est révélé efficace pour réduire la douleur chronique chez les adultes atteints de sclérose en plaques (avec spasmes musculaires), et les nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie chez les cancéreux. Des recherches sont nécessaires pour déterminer comment la consommation de cannabis pourrait entraîner des problèmes cardiovasculaires ou du diabète.
Quant aux troubles psychiatriques, le rapport mentionne des études faisant un lien entre cannabis et risque de développer la schizophrénie et autres psychoses, ainsi que des troubles d'anxiété et dans une moindre mesure, la dépression ou encore des idées suicidaires. En revanche, chez des personnes déjà schizophrènes ou malades mentales, le cannabis semble améliorer leurs capacités d'apprentissage et leur mémoire.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024