Les fédérations d'éditeurs de jeux vidéo européennes, américaines, canadiennes, coréennes, australiennes, néo-zélandaises et sud africaines lancent une offensive contre la décision de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) d'inclure en 2018 le « trouble de l'usage du jeu vidéo » dans la classification internationale des maladies. Selon les experts de l'OMS, un individu doit montrer une addiction anormale au jeu pendant au moins un an avant d'être diagnostiqué comme souffrant de ce trouble.
Dans un communiqué commun rendu public jeudi, les éditeurs demandent à l'organisation de revenir sur cette décision, et appuient leur argument sur un article à paraître dans le « Journal of Behavioral Addictions ». Signé par 36 membres (médecins, psychologues, sociologues…) du monde académique (Institut Karolinska, université de Toronto, université de Stockholm…), le texte est le produit d'un travail de « crowdsourcing », c’est-à-dire une synthèse des commentaires collectés auprès de la communauté scientifique suite à l'annonce de la décision de l'OMS, doublée d'une revue de la littérature. Il a été mis en ligne en amont de sa publication. Dès le titre, les auteurs dénoncent « les faibles bases scientifiques du trouble du jeu vidéo ».
Où commence le trouble ?
Pour les auteurs, adopter une définition du trouble du jeu vidéo pose un certain nombre de problèmes médicaux, scientifiques et de santé publique. En premier lieu, « la difficulté pour tracer la limite entre un comportement "normal" vis-à-vis des jeux vidéo et un comportement pathologique fait courir un risque de faux positifs au moment du diagnostic, avec des conséquences économiques et sociétales significatives », affirme les auteurs, qui craignent aussi la « panique » des proches de gros joueurs non pathologiques.
Ils rappellent que les modalités du diagnostic sont encore très débattues : « Est-ce qu'un trouble du jeu vidéo doit être rattaché à un jeu reposant sur des paris et des mises ou sur n'importe quel type de jeu ? Est ce que ces troubles s'adossent à des troubles psychiatriques ? Sont-ils des conséquences directes des mécaniques internes au jeu ? S'agit-il d'une déclinaison de l'addiction à Internet ou d'un trouble comportemental à part entière ? » questionnent les universitaires.
Certains commentaires collectés par les chercheurs approuvent la démarche de l'OMS, car elle « stimulerait la recherche et la mise en place de traitements ». D'autres citent l'exemple de l'intégration de l'addiction à Internet dans le DSM V en 2013 qui n'a pas généré d'augmentation du nombre de publications sur la question et a même « fait plus de mal que de bien en enfermant les chercheurs dans une attitude de confirmation » de l'existence de cette pathologie.
Manque de transparence
Concernant les bases scientifiques qui soutiennent l'existence d'un trouble de l'usage du jeu vidéo, les auteurs notent que plusieurs publications se basent sur la même population d'élèves à Singapour, et que la transparence des données est généralement faible : « seulement 3 études, sur les douzaines existantes sur le sujet ouvrent l'intégralité de leurs données », dénombrent-ils.
« Nous sommes d'accord pour dire que certains joueurs, la pratique du jeu vidéo est liée à des problèmes rencontrés dans leur quotidien, reconnaissent les auteurs. Nous pensons que la compréhension de cette population, de la nature et de la sévérité de leurs problèmes devrait faire l'objet de recherche à l'avenir. »
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024