On parle aujourd’hui des systèmes alternatifs, par rapport au tabac conventionnel, de délivrance de la nicotine (SADN). Ces systèmes comprennent les systèmes qui chauffent le tabac et la cigarette électronique classiques (CE)/vapoteuse et la Juul®, une forme spéciale de CE en vente en France depuis le 6 décembre 2018 qui contient des sels nicotiniques, est discrète et a un potentiel addictif probablement aussi élevé que la cigarette.
Ce débat va se concentrer aux connaissances actuelles sur la CE à 3 niveaux : aide à l’arrêt des cigarettes ; l’initiation de la consommation du tabac ; troubles de santé liés aux CE.
La CE est un produit de consommation courante et non un dispositif médical en France. Elle est constituée d’un élément chauffant (batterie + résistance) qui chauffe le liquide contenant généralement de la nicotine dissoute dans du propylène glycol et de la glycérine auxquels on rajoute des arômes variés. En France, en 2017, 3,8 % des 18-75 déclaraient vapoter régulièrement (1).
Débats violents et émotionnels
La CE, essentiellement à cause de l’absence des données directement fondées sur les preuves, est sujet de débats violents et émotionnels. Certains sont convaincus que c’est une aide majeure de l’arrêt de la consommation du tabac ou au moins à la réduction de la consommation. Toutefois, il est aujourd’hui évident, que la simple réduction de la consommation tabagique n’aboutit pas à une réduction de risque pour la santé (2).
Si on connaissait avec précision le rapport bénéfice/risque de la CE, et si ce rapport était favorable, la CE serait un excellent outil d’aide à l’arrêt de la consommation tabagique aussi bien au niveau individuel qu’au niveau de la population (santé publique). Un pas dans ce sens a été franchi avec la publication le 30 janvier 2019 d’une étude britannique (3). Des fumeurs consultant aux cliniques de sevrage tabagique de National Health Service ont été randomisés pour recevoir 3 mois de traitements de substitution nicotinique (TSN) ou un kit de CE avec liquide pour un mois avec la consigne qu’ils peuvent poursuivre son utilisation en achetant eux-mêmes leur liquide de préférence (arôme, contenu en nicotine).
C’était une étude randomisée mais en ouvert de 886 fumeurs. L’abstinence tabagique à 1 an était de 18 % (79/438) et 9,9 % (44/446) dans le groupe CE et TSN, respectivement (risque relatif : 1,83, IC 95 % : 1,30-2,58). Dans le groupe CE, la baisse de l’incidence de la toux et de l’expectoration diminuait plus que dans le groupe TSN. Il y avait 5 évènements indésirables graves respiratoires dans le groupe CE contre 1 dans le groupe TSN. L’utilisation des produits était largement différente. Par exemple, à 1 an, 39,5 % du groupe CE vs 4,3 % du groupe TSN ont utilisé leur produit.
Moins nocive, mais porte d'entrée dans le tabagisme
Les National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine, États-Unis ont publié le rapport le plus exhaustif sur la question en janvier 2018 (4). Le rapport conclut que les preuves sont suffisantes pour accepter que l’aérosol de la CE contient moins de produits toxiques que la fumée de la cigarette. Les CE ne sont probablement pas indemnes d’effets biologiques, les effets à moyen ou à long terme ne sont pas connus. L’étude britannique récente commence à permettre d’y voir plus clair. Le recul est encore insuffisant, mais c’est une hypothèse forte que la CE, si son utilisation est exclusive et non associée à un tabagisme concomitant, entraîne moins de risque pour la santé que les cigarettes.
Il est fort probable que la nicotine contenue dans le liquide et/ou aérosol imite la nicotine de la cigarette mais la délivrance de la nicotine est variable en fonction des produits et des utilisateurs (4).
Pendant que la prévalence du tabagisme a considérablement baissé aux États-Unis, l’utilisation de la CE a atteint des records historiques : 1,3 millions de plus d’adolescents vapotaient en 2018 qu’en 2017 (5) d’où l’inquiétude sur le devenir des vapoteurs adolescents puisque les études de cohorte publiées sont concordantes : la CE peut être une porte d’entrée au tabagisme (4,6). Cela va de pair avec la possibilité qu’elle soit un bon outil de substitution nicotinique et donc une aide à l’arrêt du tabac dans une population française où la prévalence du tabagisme chez les 18-75 ans en 2017 était de 31,9 % (1).
1. Pasquereau A. et al. La consommation du tabac en France : premiers résultats du baromètre de santé 2017. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 2018 ;14-15 :262-273
2. Berlin I. La réduction de risque et de dommage (RdRD) est-elle efficace et quelles sont ses limites en matière de tabac ? pp 216-238. Audition réduction des risques, FFA 7-8 Avril 2016 http://www.addictologie.org/dist/telecharges/FFA2016_Audition-Livret.pd…
3. Hajek P, Phillips-Waller A, Przulj D et al. A Randomized Trial of E-Cigarettes versus Nicotine-Replacement Therapy. N Engl J Med. 2019 Jan 30. doi: 10.1056/NEJMoa1808779. [Epub ahead of print]
4. National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine Public Health Consequences of E-Cigarettes. https://www.nap.edu/resource/24952/012318ecigaretteHighlights.pdf5. Miech R, Johnston L, O’Malley PM, Bachman JG. Adolescent vaping and nicotine use in 2017-2018 – U.S. national estimates. N Engl J Med. 380;2 January 10, 2019. Soneji S et al. Association Between Initial Use of e-Cigarettes and Subsequent Cigarette Smoking Among Adolescents and Young Adults: A Systematic Review and Meta-analysis.JAMA Pediatr. 2017 Aug 1;171(8):788-797. doi: 10.1001/jamapediatrics.2017.1488.
5. Guignard R et al. Tentatives d’arrêt du tabac au dernier trimestre 2016 et lien avec Mois sans tabac : premiers résultats observés dans le Baromètre santé 2017 BEH 2019 ; 14-15 : 298-303
6. Union européenne Eurobarometer 458 2017 https://data.europa.eu/euodp/data/dataset/S2146_87_1_458_ENG
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024