« La thérapie antidouleur est un vrai problème en Italie. Nous subissons l’impact de la morale catholique qui dit que les patients doivent souffrir ! » s’énerve un médecin sous couvert d’anonymat.
Il y a quelques semaines, ce spécialiste salarié par l’un des plus grands hôpitaux romains a voulu soulager la douleur d’un patient octogénaire. « J’ai demandé à un anesthésiste de m’aider à lui donner une dose de morphine pour réduire la douleur. Il m’a répondu : je ne pratique pas l’euthanasie. J’ai essayé de lui faire comprendre que je ne voulais pas le tuer mais seulement agir au niveau de la douleur. Je n’ai pas réussi à le convaincre », explique ce médecin en colère.
Le parlement italien a pourtant adopté une loi antidouleur en 2010. « Un excellent dispositif, le meilleur en Europe », selon le Pr Adriana Paolicchi, la présidente de Siared, l’association italienne d’anesthésie, réanimation, urgence et douleur. Cette loi qui classe la souffrance en deux catégories autorise les malades en phase terminale à avoir accès aux soins palliatifs. Elle permet aussi aux médecins de soulager la douleur « chronique » mais dans le cadre d’un contrôle ponctuel du seuil de douleur. Le médecin devra inscrire les substances utilisées et la durée du traitement sur le bulletin de santé du patient. Une façon de contrôler la situation et d’éviter les dérapages.
Un problème culturel
Reste que selon de nombreuses blouses blanches, la situation dans la pratique est différente. À l’origine du blocage sur les thérapies antidouleur, un problème culturel et une bureaucratie écrasante en termes de contrôles. « Les médecins de famille peuvent selon la loi, prescrire des traitements antidouleur lourds. Mais en Italie, morphine=héroïne= toxicodépendant. En prescrivant de la morphine un peu trop souvent, nous risquons de voir débarquer les carabiniers et la brigade anti stupéfiants dans nos cabinets. La situation peut facilement devenir ingérable », explique le Dr Alessandro Sabatini. Autre problème : un médecin ne peut pas faire une ordonnance à soi-même et garder de la morphine dans sa sacoche pour pouvoir soigner un patient le cas échéant. « Le nom d’un patient doit être écrit sur l’ordonnance et je ne peux pas l’acheter à sa place. Il n’y a pas de pourquoi, c’est la loi qui le dit » s’énerve le Dr Sabatini. Du coup, de nombreux médecins jettent l’éponge.
Un problème culturel, c’est le terme également employé par le Pr Adriana Paolicchi. « Il faudrait insister sur la formation des médecins et des spécialistes et puis, recruter des anesthésistes qui manquent cruellement en Italie. Dans les régions vertueuses sur le plan opérationnel et financier comme la Toscane ou l’Emilie-Romagne, la loi fonctionne », analyse-t-elle. Il faudrait explique ce médecin anesthésiste, combler le fossé en insistant sur la formation des médecins en université sur les techniques antidouleur et injecter ponctuellement de l’argent dans les hôpitaux pour permettre l’application du dispositif. Mais depuis cinq ans, les différents gouvernements ont tendance à réduire l’enveloppe de la Santé pour redresser les comptes publics en déliquescence.
Autorisation du cannabis
Le parlement a aussi autorisé l’utilisation du cannabis toujours dans le cadre de l’antidouleur. Mais là encore, peu de patients ont accès à ce type de traitement. « C’est compliqué, il y a un excès de bureaucratie. Le patient doit pratiquement effectuer un parcours du combattant pour avoir un peu de cannabis, un produit qui fonctionne par exemple pour soulager les effets secondaires de la chimiothérapie », explique le Dr Paolo Serrachiani.
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