RESTE UN PARFUM d’interdit et d’exotisme, l’opium venu d’Asie centrale n’étant plus en vogue en Occident. Il n’empêche. Une étude menée au Golestan, une province iranienne où la consommation est exceptionnellement fréquente, attire l’attention sur le fait que ce psychotrope issu du pavot expose à plus de dangers pour la santé que ce qui était déjà connu.
Au-delà du risque d’overdose, il est apparu dans une cohorte de 50 045 participants qu’une prise régulière augmente la mortalité de près d’un facteur 2. « La consommation à long terme, même pour des doses relativement faibles, est associée à une augmentation de 86 % de la mortalité totale », souligne l’équipe dirigée par le Dr Hooman Khademi, et qui compte par ailleurs en son sein deux chercheurs exerçant à Lyon.
Environ 17 % de la cohorte, soit 8 487 sujets, étaient des consommateurs réguliers. Au cours du suivi de quatre ans, 2 145 décès sont survenus. Plus spécifiquement, la mortalité par maladies cardio-vasculaires et par cancer était augmentée de 81 % et 61 % chez les usagers. Mais les associations les plus fortes, et de loin, étaient retrouvées pour l’asthme, la tuberculose et les bronchopneumopathies obstructives, pour lesquels la mortalité était multipliée respectivement par 11, 6 et 5.
Teriak, shireh, sukhteh et héroïne.
La découverte est fortuite. La cohorte du Golestan avait été constituée au départ pour étudier la surincidence de cancer de l’œsophage constatée dans cette province. C’est en analysant les questionnaires très fouillés sur les habitudes alimentaires et la consommation de toxiques (tabac, alcool, opium) que les chercheurs ont retrouvé l’association. D’utilisation très répandue dans cette province, il semblait plausible en effet que le toxique soit un facteur de risque du cancer œsophagien.
L’opium peut être consommé en Iran sous 4 formes : le teriak, le shireh, le sukhteh et l’héroïne. Le teriak est le produit brut directement issu des graines de pavot. Il peut être pris par voie orale ou fumé une fois chauffé. Le sukhteh est le rebut restant, une fois l’opium fumé, et ne peut être consommé que par voie orale. Il est meilleur marché et comporte une forte activité mutagène. Le shireh, fumé ou ingéré, provient principalement du sukhteh, avec ou sans ajout de teriak, qui est bouilli et filtré plusieurs fois. Quant à l’héroïne, elle peut être injectée, sniffée ou fumée. La quantité ingérée était évaluée dans l’unité utilisée localement, le nokhod, correspondant à environ 0,2 g.
Un signal sur les antalgiques
Dans un éditorial associé à l’article, le Pr Irfan Dhalla du St Michael’s Hospital à Toronto souligne que les mécanismes pathogènes sont différents de ceux constatés en cas d’overdose. Les maladies cardiovasculaires et les cancers sont les causes de décès les plus fréquentes dans l’étude, alors que l’overdose expose à une dépression respiratoire et du système nerveux central. Si l’opium n’est plus consommé comme drogue psychoactive qu’en Asie centrale, les risques sanitaires pointés du doigt pourraient avoir des répercussions plus larges. Il est très possible en effet que les opiacés prescrits à titre antalgique, aussi, augmentent la mortalité par cause autre que le surdosage. Une étude américaine abonde en ce sens en montrant chez des sujets âgés traités pour des douleurs d’arthrose que la mortalité est presque doublée en cas de prescription d’opiacés par rapport à des anti-inflammatoires. Et de conclure, qu’outre leurs effets indésirables déjà identifiés, « les opiacés comportent des risques substantiels encore incomplètement compris ».
BMJ 2012;344:e2502
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