Le tabac destructeur par le biais de deux cytokines

Une cible thérapeutique est identifiée dans l’emphysème

Publié le 27/02/2012
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

L’EMPHYSÈME est une affection destructrice du poumon, induite le plus souvent par le tabagisme.

Sa prise en charge médicale reste primitive ; on ne dispose d’aucun test diagnostique permettant de prédire l’émergence de la maladie chez les sujets à risque exposés au tabagisme, ni de facteur pronostique fiable, ni de traitement spécifique en dehors de la greffe pulmonaire. De fait, sa physiopathologie reste mal comprise.

Une avancée est maintenant rapportée par une étude dirigée par les Drs David Corry et Farrah Kheradmand, du Baylor College of Medicine de Houston (États-Unis), publiée dans « Science Translational Medicine ».

Cellules présentatrices d’antigènes.

De précédents travaux avaient montré que les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) des poumons des patients emphysémateux pouvaient induire des réponses autoréactives de type Th1 (T helper 1) et Th17. Et que l’interféron-gamma (IFN-gamma) et l’interleukine-17A (IL17A), les cytokines produites respectivement par les cellules Th1 et Th17, sont spécifiquement liées à la destruction pulmonaire chez les fumeurs. Cependant, il restait à savoir comment la fumée active les cellules dendritiques ou CPA du poumon pour provoquer l’emphysème.

Shan et coll. ont étudié un modèle expérimental d’emphysème chez la souris. Les souris, placées dans une chambre, ont été exposées à la fumée de cigarette trente minutes par jour, cinq jours par semaine, pendant quatre mois.

Ils ont découvert que la fumée de cigarette augmente, dans les poumons des souris, non seulement l’expression de l’IFN-gamma mais aussi l’expression de l’IL17A au sein des cellules CD4+ et des cellules T gamma delta. Paradoxalement, l’augmentation des cellules T gamma delta dans les poumons en réponse à la fumée est protectrice, car les souris dépourvues de ces cellules développent un emphysème beaucoup plus sévère.

Ils montrent que lorsque les cellules présentatrices d’antigènes (CPA) provenant des poumons des souris exposées à la fumée sont transférées chez des souris saines non exposées à la fumée (transfert adoptif de CPA pulmonaires exposées), ces souris développent alors un emphysème, un processus qui nécessite l’expression de l’IL17A.

« Cette expérience prouve pour la première fois que les CPA isolées des poumons malades sont capables d’orchestrer la cascade pro-inflammatoire se situant en amont de nombreux changements pathologiques observés dans l’emphysème induit par la fumée », explique le Dr Farrah Kheradmand.

En analysant le profil d’expression génique des CPA pulmonaires pathogéniques, les chercheurs ont découvert l’expression accrue du gène Spp1, connu pour encoder l’ostéopontine, et déjà impliqué dans diverses maladies inflammatoires auto-immunes chez l’homme.

Les souris dépourvues du gène Spp1 sont résistantes à l’emphysème. Le gène Spp1 est requis pour les réponses Th17 et l’emphysème in vivo, en partie à travers son inhibition de l’expression du facteur de transcription Irf7.

Un mécanisme majeur est mis en évidence.

L’axe Spp1-Irf7 est donc essentiel pour le déclenchement des réponses pathologiques Th17, révélant un mécanisme majeur qui pourrait être ciblé à des fins thérapeutiques.

« Nous pensons que nous pouvons utiliser cette information pour amener les CPA à induire des cellules T plus tolérogènes (stimulant une tolérance immune), afin d’arrêter l’inflammation progressive », estime le Dr Kheradmand.

« Tandis qu’auparavant l’emphysème était considéré comme une réponse non spécifique à l’exposition prolongée à la cigarette, ces études montrent pour la première fois que l’emphysème est causé par une réponse immune spécifique induite par la fumée. »

« Le message à retenir ici est que le système immun adaptatif est hautement spécialisé pour recruter et activer les cellules T dans les poumons des fumeurs, et que des cytokines pro-inflammatoires, en particulier l’ostéopontine et l’IL-17, sont cruciales pour provoquer l’emphysème induit par la fumée. Ces résultats procurent une base pour développer des stratégies diagnostiques, pronostiques et thérapeutiques pour l’emphysème. »

Shan et coll., Science Translational Medicine, 18 janvier 2012.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9089