DE NOTRE CORRESPONDANTE
DES MILLIONS d’individus souffrent de douleur neuropathique, une douleur chronique se développant après une atteinte du système nerveux périphérique ou central (parfois longtemps après) qui est le plus souvent rebelle aux antalgiques classiques. Son étiologie moléculaire reste incertaine, ce qui constitue un obstacle pour développer des traitements efficaces.
Afin de mieux comprendre la base biochimique de cette douleur et d’identifier des cibles thérapeutiques potentielles, Patti et coll. ont eu recours à la métabolomique (étude du métabolome), qui analyse tous les métabolites présents dans un fluide biologique ou un tissu.
Les chercheurs ont étudié un modèle rongeur de douleur neuropathique, le rat soumis a une transection du nerf tibial (TNT). Ces rats TNT ont été comparés à des rats témoins (pseudo-opérés).
Vingt et un jours après la chirurgie, les chercheurs ont analysé les profils métaboliques dans le plasma sanguin et dans trois prélèvements tissulaires : le segment du nerf tibial près de la section ; la corne dorsale L3-L5 du coté ipsilateral ; et celle du coté opposé de la section nerveuse.
Altération du métabolisme de la sphingomyéline médullaire
De façon surprenante, la majorité des anomalies métaboliques ont été découvertes, non pas près de la lésion nerveuse ni dans le plasma sanguin des rats TNT, mais dans leur moelle épinière dorsale ipsilatérale, la région médullaire recevant les signaux du nerf tibial sectionné et les relayant vers le cerveau.
Une caractérisation des métabolites dysrégulés a révélé une altération du métabolisme de la sphingomyéline, le phospholipide membranaire présent dans les gaines de myéline entourant les axones.
« Après lésion du nerf, une dégradation et une reconstruction survient au site de lésion, mais un remodelage survient aussi à la terminaison du nerf où il se connecte aux neurones de la corne dorsale », explique le Dr Gary Patti (Washington University School of Medicine, Saint Louis), premier signataire de ce travail. Ainsi, une dégradation des membranes cellulaires lors de ce remodelage pourrait contribuer a des altérations du catabolisme de la sphingomyéline.
Ils ont ensuite cherché quel métabolite dysrégulé pouvait induire la douleur neuropathique. Le coupable identifié est la diméthylsphingosine (DMS), un produit de dégradation de la sphingomyéline.
Les chercheurs ont caracterisé et quantifié le taux de DMS produit dans la moelle épinière dorsale ipsilatérale des rats, vingt et un jours après la section du nerf tibial. Puis, cette même dose de DMS a été injectée par voie intrathécale à des rats sains ; en vingt-quatre heures, ces rats développaient une allodynie mécanique persistant trois jours.
On cherche un traitement inhibiteur.
Le DMS semble causer l’hypersensibilité mécanique en stimulant la libération de cytokines pro-inflammatoires (IL1beta ou MCP-1) à partir des astrocytes, selon une étude in vitro.
« Ces résultats suggèrent qu’une stratégie focalisée sur le traitement de cette région endommagée de la moelle épinière serait fort efficace, en ciblant essentiellement l’origine de la douleur chronique », déclare au « Quotidien » le Dr Gary Siuzdak (The Scripps Research Institute, La Jolla, Californie).
« Notre prochain objectif sera de déterminer si la voie que nous avons identifiée peut être inhibée dans la moelle épinière, et si nous pouvons améliorer de cette façon la douleur chronique. Nos résultats suggèrent que l’inhibition de la production endogène de DMS par exemple, avec un inhibiteur de la méthyltransférase ou de la céramidase, pourrait être une piste thérapeutique attrayante pour traiter cette affection invalidante », concluent les chercheurs.
Patti et coll. Nature Chemical Biology, 22 janvier 2012.
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