« S’ils étaient découverts aujourd’hui, la plupart des médicaments antalgiques à notre disposition ne pourraient pas être mis sur le marché. Car ils présentent trop d’évènements indésirables et leur mécanisme d’action n’est pas assez bien connu », affirme Pierrick Poisbeau, professeur en neurosciences, directeur de recherches au CNRS (Strasbourg).
Compte tenu du nombre important d’antalgiques disponibles pour les patients, l’ « examen de passage » pour l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) est devenu complexe. « Aujourd’hui, pour mettre sur le marché un nouvel antalgique – ayant la même efficacité et toxicité que ceux qui existent déjà – vous devez démontrer que votre approche thérapeutique est innovante. Ou bien que votre médicament est le meilleur de sa classe. Dans un marché « encombré », proposer un nouvel antidouleur relève du défi », ajoute le Pr Patrick Couvreur, membre de l’Académie des sciences, professeur de pharmacotechnie et de biopharmacie à l’Université Paris-Sud.
D’autres difficultés viennent également freiner l’innovation tels que le manque de dialogue entre les chercheurs fondamentaux et les cliniciens ou encore les problèmes de financement de la recherche médicale. « Lorsque vous avez découvert une nouvelle molécule, le passage à la clinique (transposition d’échelle et études toxicologiques) est très couteûx.», regrette le Pr Couvreur.
Des nanoparticules analgésiques…
Malgré ces obstacles, l’innovation dans la prise en charge de la douleur est nécessaire. Exemple frappant : dans les douleurs chroniques, la morphine et les opiacés sont très efficaces. Mais leur mésusage, leur risque d’addiction et d’évènements secondaires sont importants. « L’utilisation de certains neuropeptides par les neurones constitue une alternative intéressante à ces traitements. En effet, en agissant sur les récepteurs de neurotransmetteurs qui modulent la fonction de réponse à la douleur, ces molécules naturelles n’induisent pas les effets secondaires des opiacés. Toutefois, après administration, elles se dégradent en quelques minutes sans avoir le temps d’agir », confie le Pr Couvreur. C’est notamment le cas des enképhalines : ces puissants antalgiques de la famille des endorphines ne provoquent pas d’accoutumance mais sont rapidement métabolisés. « En collaboration avec l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (Inserm/Université Paris-Descartes), nous avons eu l’idée d’injecter, par voie intraveineuse chez le rat, des enképhalines encapsulées dans des nanoparticules. Contrairement à la morphine, les nanoparticules d’enképhalines épargnent le tissu cérébral : elles agissent au niveau des récepteurs périphériques », note le Pr Couvreur. Elles délivrent ainsi le neuropeptide au niveau de la zone inflammatoire douloureuse et évitent les effets centraux responsables des phénomènes d’addiction. « Nous avons démontré ces effets sur des modèles pré-cliniques et souhaitons développer d’autres voies d’administration », précise le Pr Couvreur.
Réalité virtuelle
Les thérapies complémentaires peuvent également soulager les patients. C’est par exemple le cas de la solution Bliss (1) (dispositif médical de réalité virtuelle à visée analgésique et anxiolytique), créée par l’Effet Papillon, entreprise basée à Laval (Mayenne). « Bliss est composé d’un casque audio (comprenant plusieurs univers d’immersion, avec musique et sons) que les patients peuvent utiliser avant, pendant et après les soins invasifs et anxiogènes. Il est utilisé dans une trentaine d’hôpitaux en France (oncologie, pédiatrie, soins palliatifs et neurologie). Nous sommes en train d’évaluer ses effets analgésiques dans une étude incluant 126 patients », indique Mélanie Péron. La réalité virtuelle pourrait contribuer à réduire les doses d’antalgiques, d’anxiolytiques et/ou d’anesthésiants avant un soin anxiogène. Une autre étude clinique d’évaluation de la douleur avec un dispositif médical comparable, impliquant l’équipe du Pr Poisbeau, est également en cours.
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