En 2008, l’HAS éditait le guide Annoncer une mauvaise nouvelle, puis, en 2011, Annonce d’un dommage associé aux soins (1). « L’annonce est en effet une obligation éthique, morale, légale. Mais une annonce mal faite peut faire des ravages non seulement du côté des patients et de leurs proches, mais aussi chez les soignants. En anesthésie-réanimation, nous sommes souvent confrontés à l’annonce de décès ou d’un dommage lié aux soins. Nous devons donc y être formés », affirme le Pr Thomas Geeraerts, du CHU de Toulouse.
Préparer l’annonce en équipe
En réanimation, il s’agit notamment des complications liées aux procédures invasives, à la ventilation artificielle, à des effets adverses des médicaments ou à l’évolution malheureusement défavorable d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital. S’y ajoutent parfois les complications liées aux soins dispensés dans des services en amont. En anesthésie, au bloc, elles sont plus rares (réactions anaphylactiques graves, arrêts cardiaques peropératoires, hémorragie massive…), et peuvent survenir dans la période postopératoire, en salle de réveil ou dans les services d’hospitalisation – un infarctus du myocarde, par exemple. Et l’annonce est d’autant plus délicate si le pronostic est incertain, ce qui est bien souvent le cas. « C’est pourquoi, bien que l’on soit souvent dans l’urgence et le stress, il faut prendre le temps de préparer l’annonce en équipe, sans pour autant la retarder. Rien de pire que des informations discordantes », estime le Pr Geeraerts.
« La gravité du dommage est une difficulté supplémentaire pour le soignant. Outre cette gravité, le caractère urgent de la prise en charge et le contexte (patient parfois sans facteur de risque ni pathologie grave préexistante) expliquent la situation particulière de notre spécialité. Le délai légal maximal de 15 jours est d’ailleurs fort peu adapté au bloc et à la réanimation (2) », ajoute le Dr Élodie Brunel (Toulouse).
Clarté et adaptation à l’interlocuteur
« L’annonce est une situation difficile pour tout le monde : le patient, ses proches et les soignants. L’information se doit d’être claire, loyale et appropriée, c’est une obligation éthique, morale et légale », rappelle le Pr Geeraerts. Il faut s’adapter à l’interlocuteur, établir une relation de confiance et ne pas méconnaître la charge émotionnelle, importante des deux côtés, et le sentiment de culpabilité. Pour le Dr Brunel, « le médecin doit être factuel sans être distant ; la sincérité et l’empathie sont nécessaires ».
« Une annonce ratée peut être destructrice des deux côtés. La première victime est le patient, la seconde le soignant. Les suicides de soignants dans les jours qui suivent en témoignent. C’est donc une problématique d’équipe au sens large, qui bénéficie donc de la mise en place d’une stratégie d’équipe au sein du service, souligne le Pr Geeraerts. Être proactif est aussi bénéfique pour les familles. Une étude comparative testant l’impact d’une stratégie préétablie d’annonce d’un décès en réanimation sur le stress post-traumatique de la famille à 3 mois l’a bien montré (3). »
Travailler sur les compétences en communication
« L’annonce d’une mauvaise nouvelle nécessite de connaître les bases de la communication, les mécanismes de défense des patients et de leur entourage, pour mieux gérer leurs réactions, agressivité, mutisme, sidération…, et mieux appréhender l’écart possible entre ce qui est dit et ce qui est entendu. La connaissance des mécanismes de défense des soignants améliore aussi les pratiques. Et s’il y a eu erreur et que l’on est débordé par ses émotions, il est utile de se faire épauler. Enfin, côté patient, il faut savoir se rendre disponible pour un rendez-vous de suivi », résume le Dr Brunel.
Enfin, le terme de « faute » doit être évité, car il s’agit d’une qualification juridique.
Une annonce ratée peut être destructrice des deux côtés. La première victime est le patient, la seconde le soignant
Entretien avec le Pr Thomas Geeraerts (CHU de Toulouse) et le Dr Élodie Brunel (clinique de la Croix-du-Sud, Toulouse)
(1) HAS.
Annonce d’un dommage associé aux soins, HAS, mars 2011, 64 p. En ligne sur le site de la HAS, ainsi qu’une brochure et une vidéo de formation
(2) article L. 1142-4 du code de santé publique
(3) Lautrette A et al. A Communication strategy and brochure for relatives of patients dying in the ICU. N Engl J Med. 2007 Feb 1;356(5):469-78
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