Complications thromboemboliques du Covid-19 : un anesthésiste appelle à explorer l'hypothèse d'un déficit acquis auto-immun en protéine S

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Publié le 25/05/2020
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Crédit photo : Phanie

Comment expliquer les complications vasculaires observées au cours de l'infection à SARS-CoV-2 ? Dans une revue publiée dans « Applied and natural science foundation », un anesthésiste français émet l'hypothèse d'un déficit acquis auto-immun en protéine S qui apparaîtrait à l'occasion de la réponse immunitaire humorale.

Pour le Dr Faiez Amouri de la clinique du Trocadéro, à Paris, il est possible que des auto-anticorps anti-protéine S forment des complexes immuns, entraînant une augmentation de la clairance de la protéine S ou une interférence avec le système de la protéine C.

Au cours de l'infection Covid-19, il a été rapporté une vasculite systémique multi-organe, à prédominance pulmonaire, à type d'embolies pulmonaires ou de micro-embolies systémiques. Ces dernières se manifestent essentiellement par une microangiopathie touchant les poumons, le cerveau, le foie, les reins ou les intestins. Alors que la protéine S joue un rôle majeur dans l'inhibition de facteurs de la coagulation, un déficit acquis en protéine S pourrait être impliquée dans la survenue d'accidents thromboemboliques au cours de l'infection à SARS-CoV-2, suggère le Dr Amouri.

Des complications survenant lors de la phase de séroconversion

Des éléments confortent cette hypothèse. Comme le souligne l'auteur, ce type de complications est habituellement rencontré lors de la deuxième semaine de la maladie, ce qui correspond à la période de séroconversion. « Il y a une corrélation positive forte entre la sévérité clinique et le titre d'anticorps à partir de deux semaines après le début de la maladie, écrit-il. Un titre élevé d'anticorps pourrait être considéré comme un facteur de risque de la maladie grave, indépendamment de l'âge avancé, du sexe masculin et des comorbidités. »

La réponse immunitaire au coronavirus entraîne la production d'anticorps dirigés contre la protéine Spike virale, cette dernière jouant un rôle majeur dans l'entrée du pathogène dans la cellule. Or, « compte tenu des similarités [structurelles] entre cette protéine et la protéine S, les anticorps pourrait attaquer la protéine S entraînant sa réduction ou sa dysfonction », propose l'auteur. Par ailleurs, la production d'anticorps anti-protéine S a été décrit dans d'autres affections comme la varicelle et le lupus, argumente le Dr Amouri.

Des pistes thérapeutiques à tester

Pour l'auteur, le dosage de la protéine S chez les patients Covid-19 est « une piste intéressante qui pourrait objectiver un déficit secondaire et confirmer notre hypothèse ». Dans ce cas de figure, la sévérité de la pathologie résulterait de la réponse immunitaire de l'hôte et non pas d'une action directe du virus.

Cette hypothèse ouvrirait des pistes thérapeutiques : « une thromboprophylaxie précoce chez les sujets infectés, ou même une anticoagulation efficace, pourrait prévenir la progression vers des formes sévères et les complications thromboemboliques », est-il expliqué. L'anesthésiste avance également la piste de la protéine C activée, un inhibiteur physiologique de la coagulation aux propriétés cytoprotectrices « pour le traitement des formes sévères de la maladie en soins intensifs ». L'auteur appelle à entreprendre des recherches pour tester la validité de cette hypothèse, via des essais randomisés en réanimation chez des patients infectés par le SARS-CoV-2.


Source : lequotidiendumedecin.fr