Dans une unité de réanimation, le cerveau des patients est soumis à des agressions d’origines multiples (médicaments, AVC, hémorragies, infections, etc.). Sur le plan symptomatique, la manifestation la plus fréquente de sa réponse est le delirium, facilité par une sédation profonde. « Dans les années 1980 et pendant une vingtaine d’années, on a pensé qu’il fallait plonger le malade dans un coma médicamenteux artificiel profond induit. Aujourd’hui, on sait que c’est tout le contraire en dehors de quelques exceptions », explique le Pr Mantz.
En 2000, un essai randomisé contrôlé jette un pavé dans la mare en démontrant que lorsque l’on arrête une fois par jour, la perfusion continue d’hypnotiques et celle de morphinique, on économise, par rapport à un traitement standard, un tiers de durée de séjour et de ventilation mécanique, tout en diminuant probablement les risques de complications (pneumopathie acquise sous ventilation mécanique). Entre 2000 et 2010, une série d’études démontre qu’un protocole de sédation et d’analgésie visant un objectif modéré de profondeur de sédation, aboutit à une baisse d’un tiers de la durée de séjour et de ventilation mécanique.
Sédation coopérative
Depuis quelques années, la réhabilitation précoce a enrichi les stratégies de sédation en réanimation. Elle consiste à ne pas laisser les patients physiquement inactifs et à stimuler la vie relationnelle « La sédation coopérative est préconisée : le patient peut être réveillé simplement en lui parlant, afin de communiquer ses besoins, de participer à ses soins, avant de replonger dans un sommeil quasi naturel en dehors des soins. Cet allégement de la sédation a un impact majeur en terme de complications, mais aussi de réhabilitation physique et mentale précoce », poursuit le Pr Mantz.
Les réanimateurs se sont enfin intéressés aux conséquences à long terme du séjour en réanimation et en particulier à la qualité de récupération psychomotrice. Il a ainsi été montré que le delirium était pourvoyeur d’altération de ces performances psychomotrices à long terme. « Dans de nombreux cas, après un delirium lors d’un séjour en réanimation, les patients se retrouvent en situation de grand handicap cérébral, avec une réelle amputation de la qualité de vie et de la vie relationnelle », confirme le Pr Mantz.
Place de la dexmédétomidine
La dexmédétomidine est un agoniste des récepteurs alpha 2 adrénergique. Elle a fait l’objet de grands essais randomisés en double aveugle, versus un sédatif classique utilisé en réanimation. « La dexmédétomidine empêche la libération de noradrénaline qui fait partie du système d’éveil. Conséquence : l’inhibition de cette activité neuronale entraîne une sédation plus proche du sommeil naturel lent. Les patients sont faciles à réveiller, sur simple stimulation verbale et sans aucune douleur : ils sont capables de communiquer, ce qui permet de répondre à cet objectif de sédation coopérative », précise le Pr Mantz.
Autre propriété majeure : la dexmédétomidine préserve la ventilation spontanée. Il est ainsi possible d’extuber plus rapidement ces patients, tout en continuant l’administration de ce médicament. Par ailleurs, la dexmédétomidine est à la fois hypnotique et analgésique. Or il existe très peu de molécules intraveineuses capables à la fois de faire dormir et de stopper la douleur.
Seul bémol : la dexmédétomidine a un effet vasodilatateur et bradycardisant, d’où une baisse de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Pour cette raison, le recours aux bolus et/ou aux doses de charge est contre-indiqué. La dexmédétomidine doit être administrée par perfusion continue et adaptée en fonction d’échelles de mesure de la sédation.
Dans deux essais publiés dans le JAMA, le groupe sous dexmédétomidine a vu une diminution de l’incidence du delirium et du coma. La question qui se pose aujourd’hui est donc de savoir si cette baisse du delirium va s’accompagner ou non, d’une baisse de l’altération des fonctions cognitives à long terme.
D’après un entretien avec le Pr Jean Mantz, hôpitaux Bichat, Beaujon et Louis Mourier, Paris
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