Penser bien faire n’est pas forcément synonyme de faire bien. Un nouvel exemple en est donné par une étude randomisée française sur la sédation préopératoire.
Censée soulager l’anxiété et améliorer le confort des patients, l’administration d’une prémédication avant anesthésie générale n’améliorerait pas au final leur vécu de la période périopératoire, selon l’étude PremedX menée chez plus de 1 000 sujets, sous la coordination du Dr Axel Maurice-Szamburski à l’hôpital de la Timone (Marseille). Sans compter que cette pratique anesthésique, quasi-systématique en France et ailleurs, n’est pas sans effet sur la récupération à la fois ventilatoire et cognitive.
La prémédication est une habitude anesthésique très répandue dans le monde. « La pratique fait partie des standards de prise en charge pour la chirurgie programmée, explique le Dr Axel Maurice-Szamburski. Une étude américaine rapporte que 70 % des patients sont prémédiqués. Une autre, britannique, avance un chiffre encore plus élevé, de plus de 80 %. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi, dans notre étude, de tester le lorazépam, une benzodiazépine, pour refléter les pratiques internationales. Si l’Atarax est fréquemment utilisé en France, cela ne change pas la démonstration sur le principe. »
Une autoévaluation de satisfaction
Les anesthésistes prescrivent une prémédication pour améliorer la satisfaction des patients, partant de l’a priori que leur confort dépend de leur niveau de vigilance et d’anxiété, « mais, jamais le point de vue des patients n’a été réellement mesuré, souligne le Dr Maurice-Szamburski. C’était l’objectif de l’étude PremedX. Pour ce faire, nous avons utilisé non pas un score de sédation ou d’anxiété, mais un score de vécu validé. Il s’agit du questionnaire EVAN-G, que notre équipe a mis au point en 2005 ». Avec cet outil, le patient autoévalue sa satisfaction à l’aide des 26 items du questionnaire, le score global allant de 0 (le pire) à 100 (meilleure expérience possible). Les 26 items répondent à 6 dimensions : l’attention portée, l’information, l’intimité, la douleur, la gêne et l’attente.
Cinq hôpitaux universitaires à Marseille, Montpellier, Nîmes et Nice ont participé à l’étude. Les 1 062 patients recrutés, devant subir une intervention chirurgicale (hors obstétrique, chirurgie cardiaque, neurochirurgie) ont été randomisés dans l’un des trois bras (n = 354 pour chaque), lorazépam (2,5 mg le matin de l’intervention), placebo ou sans prémédication. « En plus de l’efficacité, nous avons évalué la tolérance de la prémédication, explique l’anesthésiste marseillais. Nous avons retenu comme critères le temps d’extubation, c’est-à-dire le temps nécessaire pour récupérer une ventilation spontanée après l’anesthésie générale, et le temps de récupération précoce des facultés cognitives. »
Dans l’étude PremedX, la sédation préopératoire par lorazépam n’a pas amélioré le score d’EVAN-G par rapport au placebo ou à l’absence de prémédication. Existe-t-il alors un bénéfice chez les patients les plus anxieux ? Contre toute attente, il semble que non. « Dans un sous-groupe, le lorazépam a même dégradé le score de satisfaction, explique le Dr Maurice-Szamburski. Cela s’observe au niveau de la dimension dite de "l’attention portée". Ces patients anxieux prémédiqués ont moins la mémoire que l’on s’est occupé d’eux ».
Un effet nocebo
Autre enseignement de PremedX, cette étude à 3 bras met en évidence un effet nocebo, jusque-là passé inaperçu. « Toutes les évaluations de la sédation ont été réalisées contre placebo et non contre l’absence de prémédication, poursuit l’anesthésiste. L’administration de médicaments inertes semble délétère puisque le score de douleur était plus élevé dans le groupe placebo, à la fois par rapport au groupe lorazépam et à celui sans rien. De plus, l’anxiété était plus forte dans le groupe placebo que dans celui sans médicament. L’effet placebo serait en fait nocebo. ».
Les patients prémédiqués n’étaient pas plus faciles à prendre en charge sur le plan médical. Le temps d’extubation était allongé, 17 minutes dans le groupe lorazépam, par rapport à 12 minutes avec l’absence de prémédication et 13 minutes dans le groupe placebo. Idem pour la récupération cognitive précoce, respectivement de 51 %, 71 % et 64 %. « L’ensemble de ces données plaide pour un abandon pur et simple de la prémédication, résume le Dr Maurice-Szamburski. La prémédication est contre-productive, et j’ai personnellement arrêté d’en faire ». Les résultats feront l’objet de présentations en congrès à l’automne, à la Société française d’anesthésie à Paris en septembre puis en octobre à l’American Society of Anesthesiology à San Diego.
JAMA, publié en ligne le 3 mars 2015
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