Pression de fin d’expiration positive

La ventilation protectrice au bloc opératoire

Publié le 27/11/2014
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L’application d’une stratégie protectrice de ventilation mécanique, visant à limiter le risque de lésions pulmonaires induites par des réglages inadaptés du ventilateur, a été popularisée au début des années 2000 grâce à la publication de plusieurs travaux montrant l’intérêt clinique d’une telle stratégie chez les patients souffrant d’un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA). Dans ce contexte d’insuffisance respiratoire grave justifiant d’une ventilation mécanique invasive, il a été montré qu’une réduction du volume courant (VT) et l’application d’une pression positive de fin d’expiration (PEP) permettent d’augmenter la probabilité de survie chez les patients.

Cette stratégie de ventilation est désormais un standard soin en réanimation.

Pourquoi adopter la ventilation protectrice au bloc opératoire ?

Au bloc, il a longtemps été considéré que l’utilisation d’un VT élevé (› 10 ml/kg de poids idéal théorique) permettait de limiter le risque d’atélectasies et de complications respiratoires postopératoires. L’application d’un haut VT sans PEP reste une pratique de soin courante dans de nombreux blocs opératoires. « Quelques travaux récents ont émis l’hypothèse qu’une telle stratégie pourrait être préjudiciable chez certains patients et lors de chirurgies thoraciques ou abdominales très pourvoyeuses de complications pulmonaires postopératoires. L’incidence des insuffisances respiratoires aiguës justifiant une ré-intubation postopératoire est faible, mais ré-intuber un patient après une chirurgie pour une complication respiratoire augmente la probabilité de mortalité postopératoire… Ces données ont servi de rationnel à l’étude multicentrique française que nous avons réalisé. Nous avons comparé deux stratégies ventilatoires peropératoires chez des patients opérés d’une chirurgie abdominale : stratégie non-protective (haut VT sans PEP) et stratégie de ventilation protectrice (baisse du VT, application d’une PEP, manœuvre de recrutement alvéolaire). Pourquoi cette manœuvre ? L’augmentation transitoire et intensionnelle de la pression trans-pulmonaire par une augmentation de la pression intra thoracique générée par le ventilateur permet de rouvrir les zones collabées, notamment dans les zones dépendantes du poumon. En effet, bien que silencieuses lors d’une intervention chirurgicale (PaO2 et SpO2 non modifiées), les atélectasies apparaissent précocement chez la majorité des patients bénéficiant d’une anesthésie générale et peuvent initier des dommages pulmonaires inflammatoires. Cette étude a montré que la stratégie protectrice de ventilation permet de diminuer le risque de complications pulmonaires, notamment le risque d’IRA justifiant d’une ré-intubation ou d’une ventilation non invasive, et non pulmonaires dans les 7 jours post-chirurgie », explique le Pr Futier.

Soyons pragmatiques !

Les critiques pointent la démonstration de l’intérêt d’une stratégie multimodale et non celui de la réduction du VT, de la PEP ou du recrutement alvéolaire… « Soyons pragmatiques, faire les 3 fonctionne ! Lorsqu’on diminue le VT, le seul moyen de compenser partiellement ou d’anticiper une éventuelle perte d’aération est d’appliquer une PEP », note le Pr Futier.

Le niveau de PEP souhaitable reste à déterminer. Un travail publié cet été dans le Lancet (ref ci-dessous) a montré qu’un niveau trop important de PEP risque de générer des hypotensions artérielles pendant l’opération préjudiciables au patient. La modération reste donc de mise.

D’après un entretien avec le Pr Emmanuel Futier, CHU de Clermont-Ferrand.

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialistes