LA PRATIQUE de l’anesthésie locorégionale (ALR) permet-elle d’optimiser la gestion d’un bloc opératoire ? « Oui, une utilisation bien maitrisée de l’ALR, dans un environnement adapté à ses exigences organisationnelles, permet non seulement d’améliorer la qualité de la prise en charge des patients, de raccourcir la durée de séjour, mais également d’obtenir des gains en termes d’efficience et de productivité au niveau des blocs opératoires », indique le Dr Patrick Narchi, anesthésiste-réanimateur au centre Clinical de Soyaux (Charente).
Selon lui, l’ALR présente indéniablement un certain nombre d’avantages sur le plan médical. « Par exemple, un patient opéré sous anesthésie générale, va être placé en fin d’intervention, en salle de surveillance postinterventionnelle (SSPI) pour y recevoir les traitements antalgiques avant de retourner dans sa chambre. Après une ALR, l’effet de l’anesthésie locorégionale va persister plusieurs heures après l’intervention (de 1 à 18 heures selon la technique, le produit et la dose utilisés). Cela permettra aux infirmières de raccourcir la durée de séjour de ces patients en SSPI. Dans les pays anglo-saxons, il est très courant que certains de ces patients puissent court-circuiter cette SSPI (concept du bypass), puisqu’ils réunissent déjà en fin d’intervention, avant d’y entrer, tous les critères de sortie de la SSPI, et de ce fait sont transférés directement vers leur chambre d’hospitalisation. Ainsi, l’utilisation optimisée de ALR entraîne un gain en termes de qualité des soins pour les infirmières de SSPI qui pourront consacrer, à effectif égal, davantage de temps pour la surveillance des patients ayant eu une chirurgie lourde », indique le Dr Narchi.
L’ALR permettant d’éviter le recours aux morphiniques pour la gestion de la douleur postopératoire, permet, selon le Dr Narchi, de réduire le risque de survenue d’effets secondaires, tels des vomissements ou des nausées. « Les patients peuvent reprendre plus vite une alimentation normale, ainsi que leurs médicaments habituels. Cela permet également d’accélérer la sortie de l’hôpital ».
L’ALR au bloc opératoire comporte également une dimension « communication et marketing ». « Il est évident que le patient opéré sous ALR puisse, s’il le souhaite, suivre le déroulement de l’intervention commentée par le chirurgien. Par exemple, une arthroscopie du genou être suivie sur l’écran par le patient ; c’est, d’une certaine manière, une façon de rendre l’anesthésie, la chirurgie et le bloc opératoire plus humains ».
Des gains de productivité.
Pour obtenir des gains de productivité dans un bloc opératoire grâce à une dynamique ALR, trois conditions doivent être réunies selon le Dr Narchi.
Il faut d’abord, prévoir dans la conception du bloc opératoire, une salle dédiée à l’ALR qui est le plus souvent adjacente à la SSPI. Dans cet espace autonome, toutes les ALR sont réalisées une demi-heure ou une heure avant l’envoi du patient en salle d’opération. Cette organisation permet au médecin anesthésiste de réaliser sereinement son acte, d’évaluer l’efficacité de l’anesthésie et de réinjecter une dose supplémentaire si besoin. Lorsque les mêmes gestes sont pratiqués en salle d’opération, la sérénité du geste est compromise par la pression de productivité liée à l’optimisation du temps d’occupation des blocs. Par ailleurs, un aménagement adapté (environnement apaisant, musique douce…) de cette salle dédiée à l’ALR peut contribuer à réduire l’anxiété préopératoire des patients, ce qui nous permet de réduire les doses de sédatifs habituels.
La deuxième condition indispensable est le professionnalisme et l’expérience de l’équipe d’anesthésie. « Si les taux de réussite moyen de ces techniques d’ALR ne dépasse pas le seuil des 90 %, il est probable que cela aura un impact négatif sur l’efficience de l’organisation. Cela exige des médecins anesthésistes expérimentés pour assurer un déroulement harmonieux et fiable des patients arrivant au bloc opératoire », indique le Dr Narchi. La troisième condition porte sur une gestion optimale du flux des patients en amont de l’ALR. « Pour que cela fonctionne, il faut une organisation parfaitement rôdée de toute la chaîne d’amont. Si, par exemple, il y a un blocage au niveau du brancardage des patients avant leur arrivée dans la salle dédiée à l’ALR, cela va immanquablement retentir sur les gains de productivité au bloc opératoire », souligne le Dr Narchi, en évoquant ce dernier paramètre. « Il va de soi que cette efficience obtenue grâce à l’ALR sera d’autant plus parlante que les flux sont importants (interventions de courte durée et nombreuses au cours d’une vacation opératoire) ».
D’après un entretien avec le Dr Patrick Narchi, centre Clinical de Soyaux (Charente).
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