La toxicité systémique des anesthésiques locaux, secondaire à la résorption d’une dose élevée ou à une injection intravasculaire accidentelle, a une expression principalement neurologique puis cardiaque, de la bradycardie à la fibrillation voire l’arrêt cardiaque. L’incidence de ces manifestations est faible, de l’ordre de 10-3 pour les signes neurologiques subjectifs et 10-5 pour l’arrêt cardiaque.
Si le traitement des complications neurologiques est bien codifié, celui des troubles du rythme cardiaque a pris un tournant depuis 2006 avec les publications montrant l’efficacité des solutions lipidiques (1,2).
Les anesthésiques locaux inhibent la création du potentiel d’action par blocage des canaux ioniques transmembranaires et ainsi la transmission nerveuse sur la cellule nerveuse. Ils induisent des troubles de la conduction cardiaque par le même mécanisme. Ils bloquent également la chaîne respiratoire mitochondriale et les ressources énergétiques cellulaires.
Le mécanisme des solutions lipidiques d’action n’est pas clairement établi. Les hypothèses sont :
a) la capture de l’anesthésique local ;
b) l’augmentation de l’absorption des acides gras par les mitochondries (effet métabolique) ;
c) les interférences avec la liaison de l’anesthésique local dans les canaux sodiques transmembranaires (effet de membrane) ;
d) l’activation de la voie du glycogène (effet cellulaire) ;
e) la facilitation de l’entrée de calcium par les canaux calciques voltage-dépendants (dynamique du calcium mitochondrial) ;
f) enfin un effet sur la pharmacocinétique des anesthésiques locaux.
La capture des anesthésiques locaux par les solutions lipidiques et la libération des canaux ioniques transmembranaires permettraient de restaurer la création du potentiel d’action, l’effet métabolique mitochondrial de restaurer l’énergie cellulaire. Il est probable que le mécanisme d’action n’est pas unique et que plusieurs voies sont simultanément activées. Pour être efficaces les solutions lipidiques doivent arriver à la cellule myocardique. Elles ne peuvent pas l’être en cas d’arrêt cardiaque s’il n’y a pas de perfusion coronaire par le massage cardiaque. En revanche, elles peuvent être efficaces si la pression de perfusion de la circulation coronaire est conservée. Une fois le blocage membranaire levé, les anesthésiques locaux sont secondairement métabolisés et éliminés.
Mode d’emploi
Les solutions lipidiques disponibles en France sont celles utilisées pour l’alimentation parentérale (cf. tableau). Le volume de solution lipidique à perfuser est surtout guidé par l’efficacité thérapeutique. Avec les solutions d’intralipide à 20 %, les auteurs ont rapporté une efficacité dès 1 à 3 ml/kg perfusés. Ce bolus peut être réadministré si nécessaire. La perfusion continue n’a pas de support scientifique, mais est souvent réalisée pour ne pas perdre le reste de la poche de perfusion. Il est impératif de garder le patient victime d’un surdosage en anesthésiques locaux sous surveillance clinique et électrocardioscopique pendant plusieurs heures car une récidive des troubles du rythme a déjà été rapportée après la perfusion de solution lipidique.
La Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) a publié des recommandations pour traiter ces intoxications dans les blocs opératoires (3). Des solutions lipidiques doivent être disponibles dans les salles où sont réalisées les anesthésies locorégionales.
Par ailleurs, ces solutions lipidiques se sont montrées efficaces chez l’animal (4) et chez l’homme en cas de surdosage en cardiotropes (5) ou psychotropes (6-9). D’où leur intérêt potentiel pour le traitement des signes toxiques cardiaques et neurologiques des intoxications médicamenteuses.
Les effets indésirables liés à la perfusion des solutions lipidiques restent souvent mineurs (perturbation de bilan hépatique, hyperamylasémie) ; un cas d’hyperréactivité bronchique réversible et une observation de pancréatite aiguë réversible en une semaine ont également été rapportées.
Hôpital Maison-Blanche, Reims
(1) Litz RJ et al. Anaesthesia 2006;61:800-1
(2) Rosenblatt MA et al. Anesthesiology 2006;105:217-8
(3) Malinovsky JM et al. Ann Fr Anesth Reanim. 2008;27:132-4
(4) Tebbutt S et al. Acad Emerg Med. 2006;13:134-9
(5) Montiel V et al. Eur J Emerg Med. 2011;18:121-3
(6) Agarwala R et al. J Med Toxicol. 2014;10:210-4
(7) Levine M et al. Pediatrics 2012 ;130:e432-8
(8) Kiberd MB et al. CJEM 2012;14:193-7
(9) Blaber MS et al. Med. 2012;43:465-7
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