En recherche, sept ans pour convaincre, c’est court. Entre son introduction fin 2008 à titre d’expérimentation et la validation de son efficacité – c’est le temps qu’il a fallu à l’oxygénothérapie à haut débit nasal, via le dispositif « Optiflow », pour prouver sa légitimité en réanimation chez l’adulte.
Cette révélation technique met l’Hexagone à l’honneur, puisqu’à la manœuvre, ce sont deux études de phase 3 Françaises : l’étude FLORALI, menée dans 23 services de réanimation en France et en Belgique (n = 310), et l’étude BiPOP, dans 6 services français (n = 830), respectivement publiées dans le « New England Journal of Medicine » et le « JAMA ». La reconnaissance internationale est là, au point que, parmi les meilleures publications de l’année, les éditeurs ont convié les deux auteurs principaux, le Dr Jean-Pierre Frat du CHU de Poitiers pour FLORALI, et le Pr François Stéphan du Centre Chirurgical Marie Lannelongue (Plessis Robinson) pour BiPOP, à participer à une confrontation scientifique.
Publiées à l’occasion du congrès de l’American Thoracic Society 2015, ces premières preuves d’efficacité propulsent en effet au premier plan l’utilisation de cette nouvelle méthode d’oxygénation dans l’insuffisance respiratoire aiguë de l’adulte. La technique, administrée par une canule nasale (« lunettes »), fait aussi bien que la ventilation non invasive (VNI), administrée au masque chez les sujets hypoxémiques non hypercapniques, avec un taux d’échec (recours à l’intubation) identique.
En première intention dans l’IRA hypoxémique
L’étude FLORALI va même plus loin en faveur de la méthode, puisqu’elle montre un avantage supplémentaire en terme de mortalité à 90 jours, « y compris et surtout pour les patients les plus graves, précise le Dr Frat. Même en cas d’échec, c’est-à-dire en cas d’ intubation après aggravation sous Optiflow, la mortalité reste inférieure à celles des patients sous VNI ». Autrement dit, l’oxygénothérapie à haut débit se justifie en première intention en cas d’insuffisance respiratoire aiguë (IRA). Fort de ses nombreux atouts, l’Optiflow a su convaincre très tôt les réanimateurs français. « La technique était utilisée jusque-là chez les nourrissons en détresse respiratoire, explique le Dr Jean-Pierre Frat. Bien plus simple à paramétrer et plus confortable, le dispositif est un procédé qui permet de délivrer un débit élevé d’oxygène, de l’ordre de 50 à 70 l/min, tout en diminuant le travail respiratoire. La FiO2 est élevée, de 50 à 100 %, et pour des petits niveaux de pression positive dans les voies aériennes supérieures (VAS), le conditionnement de l’air qui est humidifié et réchauffé est optimal et l’effet espace mort diminue ».
Si les deux études vont dans le même sens favorable à la technique, elles ne sont pas complètement superposables. « Les deux études diffèrent au niveau de leur design – étude de supériorité pour FLORALI, étude de non-infériorité pour la nôtre – et aussi au niveau des patients inclus, explique le Pr Stéphan. L’étude FLORALI a inclus des patients hypoxémiques, pour la majorité suite à une pneumopathie communautaire, la nôtre, des patients en postopératoire de chirurgie cardiothoracique. Ce qui fait que, dans notre étude, il y avait à la fois un côté préventif et un côté curatif. Car, comme l’intervention chirurgicale augmente en elle-même le risque d’atélectasies, de dysfonctionnement du diaphragme et d’incoordination musculaire, l’étude a inclus des patients hypoxémiques pour 60 %, mais aussi d’autres à haut risque de l’être, en cas d’obésité, d’antécédent d’insuffisance cardiaque ou d’échec antérieur à l’extubation ».
Une technique en plein essor
Ces résultats positifs ont de quoi modifier les pratiques en cours. « Tout pousse à proposer de prime abord l’oxygénothérapie à haut débit nasal, explique le Pr Stéphan. La technique se développe rapidement. En 2011, tous les centres que nous avions contactés étaient déjà équipés ». Quant à l’argument financier, il est incitatif, lui aussi, une colonne d’Optiflow coûtant près de la moitié moins qu’une colonne de VNI, « aux alentours de 5 000 euros versus 10 000 euros ».
Le Pr Stéphan tient à rappeler qu’une surveillance serrée reste de mise : « ce n’est pas parce que c’est plus simple, que l’on peut se permettre d’être moins vigilant », cette attitude pouvant conduire à des retards à l’intubation. Autre réserve, pour le Dr Frat, « les troubles neurologiques, les états de choc, le traitement par amines vasopressives, qui sont des facteurs connus d’échec à la VNI, doivent rester aussi des critères d’exclusion pour l’Optiflow », précise-t-il. La prochaine étape est d’élargir les populations éligibles, aux « patients ayant une bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), asthmatiques ou immunodéprimés, un PHRC étant d’ores et déjà en cours chez ces derniers », indique le Dr Frat.
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