Le nouveau diplôme de médecine d’urgence créé par le gouvernement en novembre 2015, va limiter la pratique de la médecine d’urgence aux seuls médecins issus de cette nouvelle filière (moins de 500 par promotion). Les autres spécialités médicales ne pourront plus acquérir cette compétence et en particulier les généralistes qui sont actuellement les gros bataillons des urgentistes (7 000 généralistes urgentistes actuellement en France). Demain, par effet démographique, il y aura donc beaucoup moins de médecins urgentistes sur le territoire.
Nous allons assister à une désertification médicale en urgentistes, déjà en marche, compte tenu de la baisse démographique des médecins généralistes. Le casse-tête des communes, des hôpitaux et des cliniques hors CHU, des pompiers, des régions rurales ou excentrées, ne cessera donc de croître devant la quasi-disparition des généralistes et des urgentistes. Ainsi, il n’y aura plus (ou peu) de prise en charge de l’urgence médicale. Le peu de médecins urgentistes sera à l’avenir essentiellement dans les CHU. Et toutes les urgences, quel que soit leur degré, satureront les rares établissements hospitaliers équipés, pour un coût excessif, inapproprié et une efficacité certainement discutable.
Avec cette nouvelle loi, les étudiants ne peuvent plus cumuler leur spécialité avec celle de la médecine d’urgence. Les médecins, en particulier généralistes, ne peuvent donc plus devenir de vrais urgentistes privant ainsi tout le pays de médecins compétents et spécialistes en urgence, repartis sur tout le territoire national pouvant prendre en charge tout type d’urgence et tout type de catastrophe. Les médecins généralistes urgentistes ne pourront plus être les équipages des différentes structures d’urgence. Il est donc nécessaire de trouver d’autres solutions.
Le diplôme exclusif de médecine d’urgence ne permettra pas de former suffisamment d’urgentistes, d’autant que les jeunes médecins choisissent peu la médecine d’urgence exclusive aux ECN. En réalité, les jeunes médecins « fuient » les conditions très dures d’exercice exclusif des urgences hospitalières. La médecine d’urgence est une « médecine de l’extrême » : les situations sont très dures moralement et physiquement. Une immense majorité de médecins urgentistes sont « épuisés ». Il est quasiment inenvisageable de rester médecin urgentiste toute une carrière, ce qui menace d’autant plus les effectifs d’urgentistes pour l’avenir.
Rappelons que les urgences absolues ne dépassent pas 5 % de la totalité des urgences, et celles nécessitant une hospitalisation, pas 20 %. Le reste des interventions sont en réalité des « consultations de médecine générale » baptisées urgences (au prix de l'hôpital !). Le tout hôpital en matière d’urgence est un énorme gâchis, une catastrophe économique et un non-sens scientifique.
Quelles solutions ?
Un diplôme national de médecine d’urgence ouvert à tous, permettrait une prise en charge des urgences hors CHU, et d’envisager l’hospitalisation uniquement en cas de nécessité. Aujourd’hui, la majorité des urgentistes sont issus de la médecine générale et la qualité de la prise en charge ne peut pas être remise en question. Ce sont souvent les premiers à gérer tous types d’urgences où qu’ils soient sur le territoire, les seuls à savoir « trier » entre ce qui est grave de ce qui ne l’est pas, et à traiter en amont l’urgence qui doit être hospitalisée, ce qui est l’idée maîtresse de la médecine d’urgence : « traiter partout sur le territoire l’urgence pour éviter son aggravation avant toute hospitalisation si nécessaire. » Quand ils ont « l'outil » (appareils, structures, ambulances), les médecins généralistes urgentistes sont les seuls à gérer tout type d'urgence, depuis 50 ans.
Depuis plusieurs dizaines d’années, 90 % des structures d’urgences (SAMU, SMUR, Pompiers, services d’urgences hospitaliers, cliniques de gardes médicales) fonctionnent parfaitement bien grâce à une majorité de ces médecins, dont les effectifs sont encore suffisants mais plus pour longtemps… Certaines associations de médecins urgentistes ont attiré l’attention sur la catastrophe annoncée de l’exclusivité restrictive de la médecine d’urgence.
En ces périodes de catastrophes, de grandes épidémies, de guerre, de terrorisme, il serait « raisonnable » de conserver des milliers d'urgentistes répartis sur tout le territoire, en permettant aux volontaires de toutes les spécialités (généralistes, cardiologues, pédiatres, pneumologues etc.) d'obtenir, en plus de leur compétence, la spécialité nationale de médecine d'urgence. Il faudrait en particulier permettre à ceux qui sont titulaires de la capacité de médecine d'urgence, d’obtenir une vraie reconnaissance de la spécialité nationale de médecine d’urgence, sans être exclusive.
Les professeurs de médecine d’urgence doivent contribuer à renforcer la sécurité de la nation en augmentant les effectifs d’urgentistes et non en les restreignant. Il existe actuellement des spécialistes en réanimation extrêmement compétents, de très haut niveau, très renommés, dans les hôpitaux. Point n’est besoin de priver la nation de médecins spécialistes en urgence, issus surtout de la médecine générale et qui seront « les soldats d’une armée » nécessaire à la sécurité médicale du pays.
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