Modes d’administration moderne des agents

Un long chemin vers la sécurité

Publié le 30/11/2015
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Fin 1996, le Diprifusor (Astrazeneca) initiait l’administration à objectif de concentration des agents intraveineux (AIVOC) avec le Diprivan. Plus tard, des systèmes de pousse-seringues ouverts ont élargi l’AIVOC au propofol générique et aux morphiniques (sufentanil, rémifentanil) moyennant l’évolution des modèles pharmacocinétiques. « Ce mode d’administration a modifié le raisonnement qui ne se faisait plus en dose, mais en concentration. Et comme l’effet pharmacologique dépend directement de la concentration en face des récepteurs, en ciblant une concentration, on ciblait enfin l’effet voulu, perte de connaissance ou non réactivité à la stimulation adrénergique » explique le Dr Servin.

De l’AIVOC au contrôle des interactions

La possibilité récente d’administrer à objectif de concentration les hypnotiques et les morphiniques facilite la gestion de leurs interactions. « Cette gestion complexe dépend du niveau de stimulation, des médicaments utilisés, du moment d’injection par rapport à la fin de l’anesthésie… Cette évolution récente permet avec plus de sécurité de privilégier en fin d’acte chirurgical l’agent à la cinétique d’action la plus rapide, plus vite éliminé, et d’assurer un réveil plus rapide et plus confortable » explique le Dr Servin

Si depuis longtemps, la mesure des concentrations des halogénés dans l’air expiré permet par tâtonnement d’approcher la concentration voulue, de nouveaux respirateurs apparus ces dernières années ( Zeus™, puis plus récemment Felix AINOCTM, AisysTM, Flow-I™) permettent d’administrer des agents halogénés à objectif de concentration grâce à un rétrocontrôle sur la fraction télé-expiratoire mesurée qui leur permet d’ajuster le débit de gaz frais et la fraction délivrée. Le Dr Servin note que « cette avancée importante apporte aux vapeurs halogénées la maniabilité de concentration que le circuit semi-fermé leur faisait perdre ».

Aujourd’hui tous les respirateurs calculent et affichent la fraction de la concentration alvéolaire minimale (CAM) de vapeur anesthésique (pour laquelle la moitié des patients ne bouge pas à l’incision chirurgicale ou CAM50) dans l’air expiré. « Ce chiffre de CAM est totalement faux, met en garde le Dr Servin. Il est pondéré en fonction de l’âge et de la présence éventuelle de protoxyde d’azote, mais ne tient pas compte de la présence ou non des morphiniques ! ». Pour y remédier il faut d’une part administrer les morphiniques à l’aide de pousse-seringues et d’autre part les relier à un dispositif capable de traiter les données de concentration des morphiniques. « Seuls le Navigator (GE) et le Smartpilot View (Dräger) fournissent une CAM pondérée et affichent ces interactions médicamenteuses, mais ils sont encore chers et peu répandus. L’objectif pour l’avenir est de disposer sur tous les respirateurs de CAM fiables et faciles à utiliser, permettant de se positionner sur une échelle visuelle dans une bande 50-95, plus satisfaisante cliniquement que la CAM 50» indique le Dr Servin.

Autre avancée en cours, le mode d’administration en boucle fermée c’est-à-dire l’administration à objectif de concentration des agents avec rétrocontrôle automatisé, par exemple sur un index EEG de profondeur de sommeil. « La boucle fermée libère de la disponibilité pour une meilleure surveillance clinique. L’hôpital Foch dispose d’un système fermé expérimental à double boucle (hypnotique et morphinique). Depuis 2014, un système d’administration AIVOC de propofol en boucle fermée possède un marquage CE. Ce type d’administration est également à l’étude pour les halogénés » précise le Dr Servin.

D’après un entretien avec le Dr Frédérique Servin, hôpital Bichat, Paris
Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste