DANS LA PRATIQUE quotidienne de l’anesthésie, l’administration des agents anesthésiques par l’anesthésiste est fonction de divers paramètres : pouls, TA, mesure EEG de la profondeur de l’anesthésie ou du monitorage de la curarisation. L’Anesthésie intraveineuse objective de concentration (AIVOC) consiste à administrer les agents anesthésiques ou les morphiniques en fonction des objectifs de concentrations souhaitées chez un patient donné. Il existe un parallèle pour les agents halogénés avec l’anesthésie inhalatoire à objectif de concentration.
Dans le cas de l’AIVOC, les doses administrées sont guidées par un logiciel qui calcule la délivrance des produits en fonction de leur pharmacocinétique et de leur pharmacodynamique. Ceci permet d’assurer la stabilité des concentrations dans le plasma mais également au site effecteur. Les concentrations, qui varient en fonction du temps chirurgical et anesthésique, des médicaments associés et des caractéristiques du patient, peuvent être ajustées à tout moment. « On raisonne en concentration cible (plasmatique ou site d’action) plutôt qu’en dose unitaire et schémas posologiques préétablis, explique le Pr Claude Meistelman. Ce système permet notamment une administration plus rationnelle des morphiniques en facilitant l’adaptation de l’analgésie en fonction des stimuli douloureux. C’est une révolution technologique majeure dans le domaine de l’anesthésie, poursuit-il. Cette adaptation est comparable à ce qui est pratiqué avec certains inhalateurs qui délivrent les agents halogénés en fonction des concentrations souhaitées chez le patient que ce soit pour les augmenter ou les diminuer ». Ce type d’approche permet de réduire les épisodes de sous ou surdosage et de diminuer les modifications de débits de perfusion et de mieux prédire le réveil. L’AIVOC est un système semi-automatisé car c’est l’anesthésiste qui décide et qui peut prendre le contrôle en permanence. Le même raisonnement va bien entendu s’appliquer dans le cas de l’anesthésie inhalatoire à objectif de concentration.
La boucle fermée, encore expérimentale
Quant à la boucle fermée, c’est un système automatisé par lequel l’administration des agents anesthésiques, morphiniques ou des curares est totalement automatisée, les doses administrées ou les débits de perfusion étant adaptés automatiquement en fonction des données recueilles par le monitorage. La recherche dans ce domaine est assez riche depuis une vingtaine d’années mais, souligne C. Meistelman, « la technique ne connaît quasiment pas de développement commercial pour plusieurs raisons ». En effet, elle est soumise à des événements techniques imprévisibles, comme par exemple une électrode qui se débranche inopinément. En outre, on peut supposer que la mesure de la profondeur de l’anesthésie soit artéfactée par l’utilisation d’un bistouri électrique ce qui est susceptible d’entraîner des modifications du débit de l’agent anesthésique. En outre, hormis la curarisation qui est facilement enregistrable, la profondeur de l’anesthésie ne peut pas être évaluée sur un seul paramètre mais sur une somme de paramètres : TA, fréquence cardiaque, index bispectral (ou BIS) ou autres paramètres EEG. La gestion automatisée est très complexe quand il faut tenir compte de plusieurs paramètres que ce soit pour évaluer la profondeur de l’anesthésie ou la réaction aux stimuli douloureux.
«Enfin, remarque C. Meistelman, il faut soulever la question de l’éventuel bénéfice pour le patient de ces systèmes à boucle fermée alors que les systèmes actuels sont extrêmement souples et donnent satisfaction. Est-ce que la technologie va nous permettre dans les prochaines années de continuer à progresser ? Peut-être, mais si les bénéfices ne sont pas évidents pour le patient, ces techniques ne seront pas retenues ; elles restent aujourd’hui du domaine de la recherche expérimentale ».
D’après un entretien avec le Pr Claude Meistelman, responsable du pôle d’anesthésie-réanimation du CHU de Nancy, hôpital Brabois, Vandœuvre-lès-Nancy.
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