CELA FAIT près de 20 ans que le Dr Franck Bernard, anesthésiste-réanimateur au centre hospitalier privé Saint-Grégoire, près de Rennes, utilise l’hypnose de manière quotidienne. « J’y ai recours pour tous mes patients. L’hypnose repose sur l’utilisation d’outils relationnels, linguistiques, de focalisation et de dissociation de la conscience ». Pour le Dr Bernard l’hypnose permet d’installer une alliance thérapeutique de qualité qui concourt, par exemple, à rendre encore plus confortable la réalisation des anesthésies locorégionales. « Elle permet d’accompagner le patient en cas d’inconfort dans la salle d’opération, évitant ainsi le recours à une diazanalgésie de complément. Couplée à une anesthésie locale ou locorégionale, elle peut autoriser la réalisation de gestes qui seraient inconfortables sans elle ; enfin elle peut être utilisée seule pour certains gestes simples comme une colonoscopie ou la pose de dispositifs de stérilisation tubaire par exemple », indique-t-il.
Le Dr Bernard utilise d’abord des techniques linguistiques. « Les mots utilisés pour communiquer modifient l’activité du cerveau : ainsi la simple utilisation de mots en rapport avec la douleur peut activer toute la matrice de la douleur. Or l’hypnose apprend à modifier et à adapter son langage et donc à améliorer la communication. Cela consiste par exemple à ne pas dire au patient : « vous n’avez pas mal ou vous n’avez pas froid… ». En disant cela, on active la matrice cérébrale de la douleur. C’est ce qu’ont montré par exemple des études parues dans Pain en 2010. Mieux vaut dire : « êtes-vous suffisamment soulagé ? ». C’est l’équivalent mais cela ne produit pas la même activité au niveau du cerveau », précise le Dr Bernard.
L’hypnose repose aussi sur des techniques relationnelles. « Cela consiste notamment à faire attention à la façon dont on se positionne par rapport au patient. Par exemple, en consultation, je ne m’adresse jamais à lui en étant de l’autre côté du bureau mais en me plaçant à côté de lui pour que nous puissions regarder l’écran ensemble. Certains patients sont plus visuels qu’auditifs, si je leur donne des renseignements simplement en parlant, il est possible qu’ils ne retiennent que la moitié de ce que j’aurai dit ; s’ils peuvent lire en même temps, le message passera beaucoup mieux », indique le Dr Bernard, en soulignant l’intérêt de ces outils relationnels. « Quatre-vingts pour cent des personnes qui ont reçu une initiation à l’hypnose, changent leur façon de communiquer en utilisant ce qu’on appelle l’hypnose conversationnelle. Les outils relationnels sont les mêmes que ceux largement utilisés dans le monde du commerce et de la publicité pour améliorer les performances ; ces techniques rendent l’hypnose plus efficace que la simple empathie ».
Emmener le patient dans un monde imaginaire.
Il est également possible d’avoir recours à des techniques de focalisation et de dissociation. « Dans le premier cas, je vais utiliser tout ce qui se trouve dans mon environnement pour focaliser l’attention du patient : par exemple, l’écran d’échographie, lors d’une anesthésie locorégionale. Je demande au patient de fixer l’écran et, à partir de ce qu’il voit, d’entrer dans un monde imaginaire. Par exemple sur l’écran, alors que je vois un creux axillaire le patient pourra très bien pour sa part y voir un paysage marin ou nuageux, ce qui lui permettra d’aller dans un autre monde La focalisation de la conscience, sous la forme d’une distraction de l’attention, est plus efficace en terme de communication et de prise en charge des émotions que la réassurance des proches. L’hypnose permet de mieux communiquer, donc de mieux expliquer », indique le Dr Bernard.
La technique de dissociation vise, elle aussi, à « emmener » le patient en dehors de la salle d’opération. « Hier, par exemple, lors d’une coloscopie, le patient est « allé » faire, comme il le souhaitait, un footing au bord de la Vilaine. Pendant l’examen ; il soufflait comme s’il était en train de courir. Des études, notamment publiées par Kosslov, ont montré que, dans ce cas, les patients ne s’imaginent pas seulement être dans un autre monde mais qu’ils y sont vraiment. Et dans ce cas, on active des zones spécifiques au niveau du cortex cingulaire antérieur et du cortex prémoteur ».
L’utilisation de l’hypnose nécessite une formation. « Pour les anesthésistes, infirmiers ou médecins, il est important de choisir une formation qui leur soit destinée et non pas une formation générale plus adaptée à la psychothérapie. Cet apprentissage, d’une dizaine de jours, permet de connaître les techniques de communication, d’induction et de suggestions nécessaires à la réalisation d’un accompagnement hypnotique de qualité », précise le Dr Bernard.
Aujourd’hui, l’intérêt de l’hypnose est reconnu par la SFAR. « Il y a ainsi un club hypnose à la SFAR et, désormais, dans tous les congrès d’anesthésie, il y a des sessions consacrées à l’hypnose ».
D’après un entretien avec le Dr Franck Bernard, centre hospitalier privé Saint-Grégoire, directeur de la formation « hypnose et douleurs aiguës » à l’Institut ÉmergenceS.
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