PAR LE Pr GUY MEYER*
L’incidence des thromboses veineuses et embolies pulmonaires au cours des cancers varie de 0,5 à 20 % [1]. Les thromboses sont particulièrement fréquentes au cours des cancers du pancréas, des lymphomes, des cancers du tube digestif, de l’ovaire et du poumon [1]. L’incidence est plus importante pendant les premiers mois qui suivent le diagnostic et augmente avec le stade tumoral et pendant les périodes de chimiothérapie.
Faut-il envisager une prévention au long cours ?
L’incidence des thromboses symptomatiques sur cathéter est l’ordre de 4 - 5 % [2]. Les antagonistes de la vitamine K (AVK) ne permettent pas de réduire cette incidence de façon significative. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) entraînent une réduction non significative des thromboses de cathéter sans augmentation significative des hémorragies graves. De nouvelles études tentent de confirmer ce résultat et d’identifier les malades qui pourraient bénéficier de cette intervention. Dans cette attente, il n’est pas recommandé d’utiliser les AVK ou les HBPM en dehors des périodes d’hospitalisation [3, 4].
Une fois la thrombose constituée, quel traitement choisir ?
Le traitement des thromboses veineuses et des embolies pulmonaires qui surviennent au cours du cancer est particulièrement difficile. Dans cette circonstance, le traitement anticoagulant classique qui associe une courte période d’héparine relayée par un AVK au long cours est moins efficace et plus dangereux que chez les patients indemnes de cancer. Le risque de récidive thromboembolique est 3 fois plus important et celui des hémorragies majeures est 6 fois plus grand chez les patients atteints de cancer [5]. L’administration d’HBPM pendant 3 à 6 mois, sans relais par AVK réduit de 50 % les récidives thromboemboliques, sans augmenter les hémorragies [6]. Ces résultats ont amené divers groupes d’experts à recommander l’utilisation d’une HBPM pendant 3 à 6 mois chez les patients atteints de cancer et de maladie veineuse thromboembolique [3, 4, 7]. Les posologies d’HBPM utilisées dans les essais qui ont permis d’établir ces recommandations sont les suivantes : 200 UI/kg en une injection quotidienne pendant le premier mois, suivie de 75 % de cette dose dans les mois suivants pour la dalteparine ; 1,5 mg/kg en une injection quotidienne pour l’enoxaparine et 175 UI/kg en une injection quotidienne pour la tinzaparine. Il n’est pas nécessaire de surveiller l’activité anti-Xa et la surveillance plaquettaire systématique n’est plus obligatoire.
(http://www.afssaps.fr/Afssaps-media/Publications/Recommandations-de-bon…).
Le risque de récidive restant élevé tant que la pathologie tumorale évolue ; il est recommandé de poursuivre les anticoagulants jusqu’à la rémission. Il est alors possible de poursuivre l’HBPM si elle est bien tolérée ou d’effectuer un relais par AVK.
Que faire en cas de récidive sous HBPM ?
Même sous HBPM, le risque de récidive reste de l’ordre de 5-10 %. Deux options sont alors possibles : insérer un filtre cave, ou augmenter la dose d’HBPM. L’interruption de la veine cave inférieure ne semble pas être la meilleure solution, car des récidives et extensions de thrombose et des embolies pulmonaires ont été décrites dans ce contexte, malgré la pose d’un filtre. Ces données sont toutefois issues de séries rétrospectives. Une série de cas suggère que l’augmentation de 10 % de la posologie d’HBPM est efficace et bien tolérée. Cette dernière solution peut donc être choisie en première intention, mais avec un niveau de preuve faible.
En conclusion, nous n’avons pas de preuve qu’un traitement préventif soit en mesure de réduire le risque de thrombose chez les patients atteints de cancer en dehors des périodes d’hospitalisation. Le traitement des 3 à 6 premiers mois repose sur les HBPM. Un relais plus tardif par AVK est discuté au cas par cas à la fin de cette période. La prise en charge des récidives sous HBPM est beaucoup moins bien codifiée ; dans cette circonstance, une augmentation de la dose d’HBPM peut être proposée en première intention.
*Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris.
Références
1.Chew HK, et al. Incidence of venous thromboembolism and its effect on survival among patients with common cancers. Arch Intern Med. 2006;166: 458-64.
2.Verso M, et al. Venous thromboembolism associated with long-term use of central venous catheters in cancer patients. J Clin Oncol. 2003;21: 3665-75.
3.Mismetti P, et al. Recommandations de bonne pratique: prévention et traitement de la maladie thrombo-embolique veineuse en médecine. J Mal Vasc.35: 127-36.
4.Farge D, et al. 2008 French national guidelines for the treatment of venous thromboembolism in patients with cancer: report from the working group. Crit Rev Oncol Hematol.73: 31-46.
5.Hutten BA, et al. Incidence of recurrent thromboembolic and bleeding complications among patients with venous thromboembolism in relation to both malignancy and achieved international normalized ratio: a retrospective analysis. J Clin Oncol. 2000;18: 3078-83.
6.Louzada ML, et al. Efficacy of low- molecular- weight- heparin versus vitamin K antagonists for long term treatment of cancer-associated venous thromboembolism in adults: a systematic review of randomized controlled trials. Thromb Res. 2009;123: 837-44.
7.Buller HR,et al. Antithrombotic therapy for venous thromboembolic disease: the Seventh ACCP Conference on Antithrombotic and Thrombolytic Therapy. Chest. 2004;126: 401S-28S.
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