Signe d’une édition engagée pour le développement durable, le congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo) a marqué les esprits à travers des travaux inédits sur le rôle de la pollution dans la cancérogenèse. Mais ce millésime 2022, qui vient de s’achever ce 13 septembre à Paris, regorgeait également de nombreuses avancées susceptibles de modifier le dépistage des cancers, ainsi que la stratégie thérapeutique.
Une recherche fondamentale et épidémiologique, sur la carcinogenèse et la pollution, a confirmé que l’exposition aux particules fines (PM2.5) augmente le risque de cancers, non seulement au niveau des poumons mais aussi d’autres localisations. « Elle remet en cause le paradigme selon lequel c’est la mutation qui est à l’origine de la carcinogenèse », note Clélia Coutzac (Centre Léon Bérard, Lyon). En effet, elle montre que les mutations incriminées dans ces tumeurs, comme celles de l’EGFR et KRAS, sont déjà présentes dans la moitié des tissus sains et augmentent avec l’âge. À l’origine d’une réaction inflammatoire avec recrutement macrophagique, les PM2.5 provoqueraient la différenciation des cellules mutées en cellules potentiellement cancéreuses.
ADN tumoral circulant : mieux dépister et traiter
Les recherches sur l’ADN tumoral circulant (ADNct) pourraient également bouleverser la prise en charge des cancers. En effet, de nouveaux tests Mced (Multi-Cancer Early Detection) identifiant des petites séquences d’ADNct dans le sang pourraient repérer des cancers cliniquement silencieux.
Dans l’étude Pathfinder, le test Mced a détecté de l’ADNct chez 1,4 % des 6 621 participants de plus de 50 ans sans cancer connu (92 personnes) parmi lesquelles le diagnostic de cancer a été porté dans 35 cas (38 %). Parmi ces tumeurs, 71 % n’auraient pu être dépistées par les méthodes classiques, et 48 % ont été détectées à un stade précoce. Le taux de faux positifs est faible, inférieur à 1 %.
Parmi les 6 290 sujets chez lesquels aucun cancer n’a été détecté, 99,1 % avaient un résultat négatif au test Mced. Le défi maintenant est de savoir qui et quand tester. « Il est logique de continuer le dépistage standard pour les cancers du sein ou colorectaux. Les tests Mced seraient à réserver aux cancers pour lesquels on ne dispose pas actuellement de moyens de dépistage, comme ceux du pancréas, de l’intestin grêle et de l’estomac », remarque la Dr Deb Schrag (New York).
L’ADNct pourrait également aider à la décision thérapeutique pour les traitements adjuvants. Dans l’étude Dynamic, les patients, chez lesquels l’ADNct n’est pas détecté après l’opération d’un cancer colorectal (CCR), ont un faible taux de récidive. En revanche, la présence d’ADNct est associée à un risque élevé de récidive métastatique. Ainsi, le recours à l’ADNct pourrait permettre d’orienter vers une chimiothérapie adjuvante ou, au contraire, une désescalade thérapeutique.
De l’immunothérapie dès le stade néoadjuvant
Après s’être affirmés comme le standard de première ligne métastatique dans les CCR microsatellites instables (MSI/dMMR), les inhibiteurs du checkpoint immunitaire conquièrent les formes localisées en néoadjuvant. L’étude mono-bras de phase 2 Niche2, menée sur des CCR localement avancés, a évalué l’efficacité de l’association nivolumab-ipilimumab administrée avant la chirurgie.
Le taux de réponse pathologique (RP) observé atteint 99 %, avec 95 % de RP majeure et 67 % de RP complète. « Des résultats impressionnants, qui pourraient laisser envisager d’éviter la résection chirurgicale », suggère le Pr Jean-Yves Blay (Centre Léon Berard, Lyon), président d’Unicancer. De même, un traitement par un anti-PD1, le cemiplimab, a été évalué en néoadjuvant chez des patients atteints d'un carcinome épidermoïde cutané de stade II à IV. Il a permis d’obtenir 63 % de RP, avec 12,7 % de RP majeure. Au regard de ces résultats, la prise en charge des carcinomes épidermoïdes cutanés, avancés et résécables, pourrait ainsi évoluer.
De nouvelles molécules transformantes
« Dans une étude de phase précoce, le RLY-4008, inhibiteur sélectif irréversible ciblant les fusions de FGFR2, montre des résultats sans commune mesure par rapport aux autres inhibiteurs (non sélectifs pan-FGFR), dans les cholangiocarcinomes avec ce gène de fusion (10 à 15 % des cas) », se félicite la Dr Esma Saada (Centre Antoine Lacassagne, Nice) et le Pr Blay. Évalué sur 38 patients, le taux de réponse objective s’élève à 63 %. Si la réduction tumorale est de 92 %, elle atteint 100 % chez les patients naïfs d’anti-FGFR et recevant la dose maximale. Par ailleurs, cet inhibiteur ultra-sélectif était bien mieux toléré que ceux d’ancienne génération.
Premier représentant de la nouvelle famille des inhibiteurs de la gamma-sécrétase, le nirogacestat a été évalué dans des cancers rares : les tumeurs desmoïdes. Il permet un contrôle tumoral dans 70 % des cas, diminue la symptomatologie et améliore de la survie sans progression.
Thérapies cellulaires : le retour des TIL
Tout comme le développement des anticorps bispécifiques, les recherches se poursuivent sur le recours aux cellules CAR-T dans les tumeurs solides. Développée dans les années 80, la thérapie cellulaire par lymphocytes infiltrant les tumeurs (TIL) fait également son retour. Dans les mélanomes avancés, elle réduit fortement la survie sans progression et la survie globale par rapport à l’ipilimumab. Mais le coût important de cette thérapeutique sera à prendre en compte.
D’après la conférence de presse Unicancer (13 septembre) et les présentations du congrès de l’Esmo 2022
Retrouver toutes les actualités de l'Esmo dans le Congrès hebdo du 14 octobre du « Quotidien du Médecin »
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