Cette année le programme des journées de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM) soulèvera les idées reçues des patientes sur le cancer du sein, la prévention, les traitements… « Parmi les idées reçues sur les chimiothérapies, sont évoqués des effets secondaires digestifs désastreux, avec nausées et vomissements permanents. Heureusement, on a fait énormément de progrès depuis 10 à 15 ans, grâce aux antiémétiques de 2e et 3e générations. Ainsi, la chimiothérapie est de mieux en mieux tolérée au niveau digestif », illustre le Dr Bruno Cutili, président de la SFSPM et oncologue-radiothérapeute à la clinique Courlancy de Reims. « On entend dire également : la radiothérapie, çà brûle. Alors qu’aujourd’hui, il s’agit d’une irradiation progressive, avec un suivi très régulier, qui n’a rien à voir avec ce qui se faisait dans les années 70 avec le cobalt », ajoute-t-il.
Cependant, s’il existe bien un domaine dans lequel les idées reçues animent les débats et suscitent les polémiques, c’est bien le dépistage organisé. Risque de surdiagnostic pour les uns, risque de cancer pour les autres, où en est-on dans cette notion de risques ?
Le dépistage : une question de risques
En ouverture du congrès, la traditionnelle session sur le programme de dépistage sera l’occasion d’aborder 30 ans de dépistage, de balayer les idées reçues et de montrer les avancées dans ce domaine. « En France, on a un dépistage original et atypique : décentralisé, proche des femmes et médicalisé. Il y a des risques à se faire dépister et à ne pas le faire. Mais statistiquement, avec un dépistage par mammographie, on a moins de risques d’avoir une mastectomie totale », intervient le Dr Luc Ceugnart, radiologue au centre Oscar Lambret de Lille. « En France, on a un taux de mastectomie de l’ordre de 25 % à 27 %, c’est l’un des plus bas au monde », complète le Dr Cutili.
« Aujourd’hui, on est seulement capable d’identifier les femmes à très haut risque. Pour toutes les autres, nous ne sommes pas capables d’affirmer qu’elles n’ont pas de risques. La seule chose que l’on peut leur proposer actuellement, c’est la mammographie. C’est une réponse qui n’est pas satisfaisante si l’on veut savoir son risque personnel », explique le Dr Ceugnart. « En médecine, on répond toujours statistiquement, en termes de bénéfice/risque. Ainsi, même si l’on soigne une personne donnée, on ne connaît pas son risque individuel par rapport aux statistiques. De plus, le risque 0 n’existe pas », ajoute le Dr Sylvia Giard, chirurgienne au Centre Oscar Lambret de Lille.
Face à ce constat, les facteurs de risques semblent donc jouer un rôle essentiel. Cependant, si certains facteurs sont bien identifiés à risque (mutation génétique, antécédent d’irradiation thoracique et certaines infections bégnines du sein), d’autres continuent toujours d’être évalués pour en quantifier plus précisément l’impact (activité physique et alimentation, durée de l’exposition hormonale, déodorant, pesticides, …).
Vers une désescalade thérapeutique ?
Un des écueils du dépistage, brandi par ses opposants, est le risque de surdiagnostic. « Il y a effectivement une partie de cancers peu évolutifs, entre 10 et 20 %, surdiagnostiqués. En fait, le problème n’est pas le surdiagnostic mais le surtraitement. Nous sommes parfaitement conscients de surtraiter, dans certain cas, car nous n’avons pas les moyens de faire un screening fiable. La tendance est donc actuellement de désescalader et de proposer des traitements moins lourds », annonce le Dr Ceugnart.
Si la désescalade semble pouvoir pallier au risque de surtraitement, elle présente aussi ses limites. « Il faut faire attention de ne pas trop désescalader car on tombe dans l’excès inverse. Malheureusement, on voit aussi des récidives qui sont ensuite difficiles à traiter, et le pronostic n’est plus le même. Il faut trouver un juste équilibre. Si on loupe le moment du traitement optimal, après c’est fini », met en garde le Dr Cutili. « Dans les formes peu évolutives, la question est comment faire une désescalade sans être délétère ? », résume le Dr Sylvia Giard. « Un essai randomisé est mis en route (comparant un bras traité à un bras non traité pour un cancer peu agressif) et on aura les résultats dans 15 ans ».
Palier à une insuffisance de connaissance
Ainsi, même si la prise en charge progresse, il reste en termes de risques, de cancer ou de surdiagnostic, des notions à élucider et à approfondir. D’ailleurs, « une idée reçue palie à notre insuffisance de connaissance », explique le Dr Sylvia Giard.
Quant à la méconnaissance du grand public, l’Institut national contre le cancer (INCa) a publié en septembre un nouveau livret d’information destiné aux patientes. « Dans le document de l’INCa, il y a un rôle plus important confié au médecin généraliste, en termes d’information et de détection des femmes ayant un risque augmenté. Souvent, l’histoire familiale des femmes n’a pas été détectée ou a été minimisée », commente de Dr Cutili. Parmi les propositions de l’INCa, des consultations de prévention à 25 ans et 50 ans sont évoquées. « Ce n’est pas encore acté mais ce serait une très bonne chose », ajoute le Dr Ceugnart. « Il faut un enseignement et une formation spécifique des médecins généralistes sur le cancer du sein. Par exemple, des demi-journées de consultation en binôme avec un cancérologue pour s’imprégner de la problématique, seraient extrêmement bénéfiques », souligne le Dr Cutili. Ainsi, information et formation, en palliant à une insuffisance de connaissance, font partie des futurs axes d’amélioration du dépistage et de la prise en charge des cancers du sein. D’ailleurs, il semble également important de faire connaître aux femmes le plus tôt possible les signes d’alerte car toute modification du sein doit amener à consulter.
Un nouvel espoir : la tomosynthèse
« L’arrivée d’une nouvelle technique de mammographie, la tomosynthèse, pourrait apporter un bénéfice car elle identifie davantage de cancers que la mammographie habituelle, en faisant moins de faux positifs. Cette technique serait vraiment très adaptée au dépistage. Elle devrait rentrer en pratique mais les contrôles, essentiels à la qualité du process, ne sont pour l’instant pas mis en place. Cela fait 2 ans que les radiologues attendent des instances publiques, notamment de l’ANSM (agence nationale de sécurité du médicament), les moyens d’avoir un contrôle qualité rapide pour la tomosynthèse. Le jour où on l’aura, on pourra mettre en place cette technique », annonce le Dr Ceugnart.
D’après la conférence de presse de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire (SFSPM), en présence des Drs Bruno Cutuli, Président de la SFSPM et oncologue-radiothérapeute à la clinique Courlancy de Reims, Sylvia Giard, chirurgienne au centre Oscar Lambret de Lille, et Luc Ceugnart, radiologue dans le même centre.
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