Depuis 20 ans, il prévaut le dogme selon lequel les anti-HER2 ne sont efficaces que dans les tumeurs surexprimant HER2 (15 % des CS), quel que soit le stade de la maladie. Près de la moitié des tumeurs expriment des taux plus faibles de HER2 (score en histochimie 1+ ou 2+, sans amplification du gène), qualifiées de HER2 « low ».
Dans l’étude DESTINY-Breast 01, une partie importante de la cohorte exprimant faiblement HER2 obtenait des taux de réponse impressionnants (bien qu’un peu inférieurs à ceux de la cohorte principale surexprimant HER2) sous trastuzumab-deruxtecan (T-Dxd), dans une situation en manque d’innovation thérapeutique. Ainsi, l’hypothèse testée dans DESTINY-Breast 04 était de vérifier l’existence d’un bénéfice sous T-Dxd, dans la population HER2 « low ».
Un doublement de la survie sans progression
Cette étude de phase 3 a été menée chez 557 patientes atteintes de CS métastatiques, exprimant faiblement HER2, en deuxième ou troisième ligne de traitement. Par rapport à une chimiothérapie (CT) standard, le T-Dxd diminue de moitié le risque de progression sur l’ensemble de la cohorte : 9,9 versus 5,1 mois (p < 0,0001) de survie sans progression (SSP). Quant au risque de décès, il est réduit de 36 %, avec une survie globale (SG) de 23,4 versus 16,8 mois (p = 0,001). Le bénéfice est retrouvé quel que soit le statut hormonal ou HER2. « Ces résultats sont nettement positifs chez des patientes déjà lourdement traitées, se félicite le Pr William Jacot. On n’avait pas observé d’augmentation de la survie depuis dix ans, lorsque l’éribuline (qui pouvait figurer dans le groupe comparateur) avait permis de gagner deux mois de SG, pour six mois avec le T-Dxd dans la présente étude ».
Le profil global de tolérance du T-Dxd était équivalent à la CT. Cependant, un risque important de nausées nécessite, en termes de prophylaxie, de considérer le T-Dxd comme fortement émétisant. De plus, un risque relativement rare de pneumopathie interstitielle amène à une vigilance prolongée sur la symptomatologie et le scanner thoracique, cette toxicité pouvant survenir tardivement. Les seules contre-indications sont l’existence de pneumopathies interstitielles ou une mauvaise tolérance au trastuzumab, en particulier au niveau de la fraction d’éjection ventriculaire gauche.
L'utilisation de cette thérapie anti-HER2 dans une population à faible expression de HER2 ouvre la possibilité de traiter 60 à 65 % des CS métastatiques. « Nous attendons avec impatience la demande d’accès précoce dans les HER2 low, ce qui devrait faire entrer le T-Dxd massivement dans la pratique clinique quotidienne », projette l’oncologue.
L’effet « bystander »
Le T-Dxd s’est avéré bien plus efficace que le T-DM1 (anticorps conjugué associant le trastuzumab à l’emtansine), n’ayant pas donné de résultats concluants dans cette population. Deux explications peuvent être proposées : le deruxtecan tend à mieux diffuser entre les cellules, et la liaison entre la molécule de chimiothérapie et le fragment Sc de l’immunoglobuline est plus instable en milieu tumoral. Cela explique son effet « bystander » : la molécule présente une meilleure diffusion dans les cellules avoisinantes. Associé à une quantité supérieure de chimiothérapie dans le T-Dxd, cet effet permettrait une concentration intracellulaire plus importante de la chimiothérapie, même dans les cellules exprimant faiblement HER2.
Explorer une plus faible expression de HER2
Les excellents résultats de DESTINY-Breast 04 amènent à s’intéresser, notamment dans DESTINY-Breast 06, à la première ligne de traitement des CS métastatiques hormonodépendants (RH+) et exprimant faiblement HER2. Or dans DESTINY-Breast 04, le bénéfice était identique avec le T-DXd, qu’il s’agisse de tumeurs HER2 1+ ou 2+. Ainsi dans DESTINY-Breast 06, il s’agit de tester jusqu’à quel niveau d’expression de HER2 le traitement reste efficace. Il sera donc évalué un sous-groupe HER2 0+, caractérisé par un très faible marquage HER2, qui aurait été classé négatif selon les critères ASCO.
De plus, d’autres développements sont en cours dans le cancer colorectal, gastrique ou pulmonaire.
D’après un entretien avec le Pr William Jacot, Institut du cancer de Montpellier
(1) Shanu Modi et al. N Engl J Med. 2022 Jul 7;387(1):9-20
(2) Rugo HS et al. J Clin Oncol. 2022 Oct 10;40(29):3365-3376
(3) Rugo HS et al. ESMO 2022, abstract LBA76
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