Alors que les symptômes de dépression affectent de 10 à 25 % des femmes atteintes d'un cancer du sein, avec des répercussions notamment sur la qualité de vie, l’observance et le pronostic, des chercheurs français ont tenté de comprendre comment évolue le risque de dépression après l’annonce de la maladie.
Publiée dans « JAMA Network Open », leur étude a analysé les données de 4 803 femmes (âge moyen de 56,2 ans) ayant un cancer invasif de stade I à III et sans antécédent de traitement, issues de la cohorte multicentrique Canto (CANcer TOxicities).
Une première analyse par « clusters de trajectoires »
Ce travail s’est appuyé sur une « nouvelle approche statistique : l’analyse de clusters de trajectoires », explique au « Quotidien » l'un des auteurs, le Pr Philip Gorwood, psychiatre, chef de service à l’hôpital Sainte-Anne. « Au lieu de s'intéresser à des groupes homogènes de patientes, cette démarche permet d’étudier les similitudes dans les différents parcours pour une approche plus dynamique des fluctuations de l’humeur après l’annonce d’un cancer du sein », précise-t-il.
Plusieurs trajectoires ont ainsi été identifiées. Un premier groupe, représentant une majorité des patientes (54,8 %), ne développe aucun symptôme sur la période. À l’inverse, un groupe de « dépression stable » (3,2 %) présentait des symptômes de dépression avant l’annonce de la maladie et leur expression reste élevée au fil du temps.
Pour 22 % des sujets, des symptômes dépressifs comme la tristesse, la perte de sommeil ou d’appétit, apparus avec l'annonce de la maladie, vont s’exacerber, tandis que pour 10 %, les symptômes vont s’améliorer. Les trajectoires de ce dernier groupe dit d’« amélioration intermédiaire » relèvent du « registre de la résilience avec des sujets qui ont quelques symptômes dépressifs, mais qui face au danger, vont solliciter leurs ressources adaptatives, comme leurs réseaux amicaux », souligne le Pr Gorwood, indiquant que cette compétence n’avait pas été repérée par les précédents travaux.
Un autre groupe (5,4 %) va même évoluer vers une résolution de l'épisode dépressif identifié au diagnostic. Enfin, un dernier groupe (4 %) se caractérise par une apparition tardive de symptômes dépressifs. Pour ces patientes, les symptômes émergent « au décours de l’annonce, avec la mise en place de la prise en charge par exemple, qui peut être très lourde », précise le psychiatre.
Avec la mise en évidence de ces six trajectoires, l’étude a permis d’établir « une représentation de la cinétique des symptômes dépressifs au décours de l’annonce », poursuit-il, estimant ces nouvelles données utiles à l’anticipation de l’accompagnement nécessaire selon les différents profils de patientes. Ce d’autant que l’analyse a aussi permis de dégager plusieurs facteurs de risque d’appartenance à une trajectoire.
Des symptômes à ne pas négliger
Des facteurs démographiques et cliniques, tels que le fait d'avoir des enfants à charge, le faible revenu du ménage, la gravité ou l’avancée de la maladie, les antécédents familiaux de cancer du sein, mais aussi l’obésité ou le tabagisme, sont en effet associés aux symptômes dépressifs. Ainsi, les patientes dont les symptômes tendent à s’améliorer ont plutôt moins de facteurs de risque.
Ces résultats doivent inciter les professionnels à la vigilance, insiste le Pr Gorwood, alors que « les diagnostics de dépression sont trop souvent ratés chez les sujets atteints de cancer, certains symptômes étant attribués aux effets de la maladie ou des traitements. Or, dans le doute, c’est toujours à la dépression qu’il faut les attribuer », juge-t-il.
Pour poursuivre ses investigations, l’équipe va désormais mener une étude pangénétique, à partir de l’ADN des patientes de la cohorte. « Nous disposons de 3 millions de marqueurs à analyser avec l’objectif de repérer, non pas les variants associés à la dépression, mais ceux qui prédisent des trajectoires », indique le Pr Gorwood.
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