Le cancer du sein demeure le plus diagnostiqué dans le monde. Environ 15 % se révèlent triple négatifs — c’est-à-dire caractérisés par l’absence de récepteur estrogénique, de récepteur à la progestérone, et du récepteur à l’HEGF. Ces cancers, qui touchent particulièrement les femmes jeunes, restent considérés comme particulièrement agressifs et susceptibles d’évoluer rapidement vers des stades métastatiques.
Pour le moment, en cas de cancer triple négatif diagnostiqué précoce ou localement avancé, le traitement néoadjuvant repose essentiellement sur une chimiothérapie associant quatre types de molécules (une anthracycline, un taxane, un sel de platine et du cyclophosphamide). Un inhibiteur de checkpoint pourrait être adjoint à cette quadrithérapie. C’est du moins ce que laisse entrevoir l’étude CamRelief, publiée mi-décembre dans le Jama (1).
Efficacité du camrelizumab
Cet essai de phase 3 randomisé contrôlé et en double aveugle s’est penché sur l’intérêt de l’adjonction à la chimiothérapie néoadjuvante classique d’un anticorps anti-PD1 : le camrelizumab. En pratique, 441 femmes de 48 ans d’âge médian, atteintes d’un cancer du sein triple négatif débutant ou localement avancé ont été recrutées pour recevoir, en plus d’une chimiothérapie à base de nab-paclitaxel, de carboplatine puis d’épirubicine et de cyclophosphamide, soit du camrelizumab à la dose de 200 mg toutes les deux semaines, soit un placebo. Les participantes ont été suivies pendant une durée médiane d’un peu plus de 14 mois.
Résultat : l’ajout de camrelizumab a permis d’augmenter significativement le taux de réponse anatomopathologique complète — c’est-à-dire le taux de patientes ne présentant plus de tumeur du sein ou dans les ganglions lymphatiques. Comme le détaille la publication, cet objectif — qui constituait le critère de jugement principal de l’étude — a été atteint chez 56 % des patientes du groupe interventionnel, contre moins de 45 % des patientes du groupe témoin, soit une différence de 12,2 %.
À noter toutefois que cette amélioration de l’efficacité du traitement a été réalisée, dans l’étude, au prix d’effets indésirables parfois importants, puisque près de 90 % des patientes du groupe interventionnel ont rapporté des effets indésirables de grade 3 ou plus, contre 83 % dans le groupe contrôle. Des effets indésirables graves se sont produits chez plus d’un tiers des patientes ayant reçu du camrelizumab, versus chez moins de 23 % des patientes du groupe contrôle. Deux effets indésirables mortels sont même survenus parmi les participantes ayant reçu l’inhibiteur de checkpoint.
Des inhibiteurs de mTOR à risque ?
Mais les inhibiteurs de checkpoints ne sont pas les seules perspectives dans le cancer du sein triple négatif. La voie PI3K/AKT/mTOR, associée à des phénomènes de prolifération tumorale, est fréquemment hyperactivée dans les cancers du sein triples négatifs, et nombre d’essais cliniques s’y intéressent.
Cependant, une étude française publiée dans Developmental cell remet en cause la pertinence cette approche (2). Du moins, sur le plan théorique. Selon ce travail, certes très préliminaire, l’inhibition de la voie mTOR pourrait induire la dégradation de la matrice extracellulaire, notamment par la formation d’invadopodes, et ainsi potentiellement favoriser l’envahissement des tissus et l’évolution métastatique. Autrement dit, dans le cancer du sein triple négatif, les inhibiteurs de mTOR pourraient en fait s’avérer contre-productifs, délétères, en rendant les cellules cancéreuses plus mobiles, et les tumeurs plus invasives.
Ces résultats semblent cohérents avec des investigations précédentes de la même équipe française : en 2021, des chercheurs avaient décrit une inhibition de mTOR provoquée par une carence cellulaire en nutriments. Et cette répression de mTOR s’était alors accompagnée d’une dégradation de la matrice extracellulaire — favorisant l’invasion tumorale.
D’après cette nouvelle publication, un mécanisme moléculaire se dégage : l’inhibition de mTOR pourrait conduire à une surexpression d’un facteur de transcription, TFEB, impliqué dans la production d’invadopodes.
Reste à confirmer ces résultats, et, le cas échéant, à réorienter la recherche d’agents efficaces contre le cancer du sein triple négatif vers des traitements moins risqués.
(1) Li Chen et al. Camrelizumab vs placebo in combination with chemotherapy as neoadjuvant treatment in patients with early or locally advanced triple-negative breast cancer the CamRelief randomized clinical trial. JAMA. December 13, 2024
(2) David Remy et al. TFEB triggers a matrix degradation and invasion program in triple-negative breast cancer cells upon mTORC1 repression. Developmental Cell. 26 décembre 2024
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