« Notre crainte est que les patients avec des tumeurs avancées ne puissent pas accéder à des soins optimaux, explique le Dr Philippe Cassier, investigateur principal de l’essai immunONCOVID-20 au centre Léon Bérard (Lyon). Outre les capacités d’accueil des hôpitaux à risque de saturation en Ile-de-France et dans le Nord-Est, nous craignons que ces patients ne soient pas éligibles à un traitement de deux à trois semaines en réanimation, car cela peut être trop long en cas de cancer avancé. De plus, deux à trois mois de réhabilitation sont à envisager suite à de tels séjours en réanimation, en raison du risque d’amyotrophie majeure ». La mise en place d’un essai à la recherche de traitements pour ces patients s’est ainsi imposée.
Un dérivé de la chloroquine et des anticorps monoclonaux
L’essai immunONCOVID-20 teste trois molécules, dont la première est un dérivé de la chloroquine : le GNS561. S’il possède le même mécanisme d’action que la chloroquine, ce composé serait in vitro 10 à 20 fois plus puissant que celle-ci. Développé comme anticancéreux dans les cancers avec envahissement hépatique, il a déjà été testé en phase 1 chez une vingtaine de patients, selon un protocole s’étalant sur plusieurs mois. Dans l’essai immunoONCOVID20, il n’est administré que pendant 15 jours et à une dose deux fois plus faible. « Nous avons pris une marge de sécurité concernant la durée de traitement et la dose sélectionnée », précise le Dr Cassier.
Deux anticorps monoclonaux sont également évalués : une immunothérapie anti-PD1, le nivolumab, déjà utilisé dans plusieurs cancers (mélanomes, tumeurs bronchiques, ORL, du rein ou de la vessie…) et un anticorps anti-interleukine-6R, le tocilizumab, développé initialement dans les arthrites inflammatoires. Cependant, ces deux traitements sont testés dans deux cohortes de patients distinctes, en fonction de la gravité de la maladie…
Deux cohortes différentes selon la sévérité de l’infection
Les patients présentant une forme peu sévère de la maladie recevront soit le traitement standard (bras contrôle avec antibiothérapie et oxygénation si besoin), soit le GNS561, soit le nivolumab. En effet, les patients avec une forme peu sévère, évoluant vers une forme sévère de la maladie, sont immunodéprimés. Dû à une stimulation chronique du système immunitaire, leur état se caractérise par une lymphopénie ou des signes d’épuisement lymphocytaires sur les lymphocytes circulants, tels qu’une surexpression de CTLA4 ou de PD1, d’où l’idée de recourir à un anti-PD1.
Dans la seconde cohorte regroupant des cas plus sévères, avec des symptômes de pneumonie, les patients recevront soit le traitement standard, soit le GNS561, soit le tocilizumab. « Nous commençons à utiliser le tocilizumab depuis quelques années en cancérologie pour traiter les réactions immunitaires très sévères induites par certaines immunothérapies, comme les CAR-T cells », révèle le Dr Cassier. En effet, une des toxicités de ces immunothérapies est de provoquer une tempête de cytokines, médiée notamment par l’interleukine 6. Il apparaît alors des signes de chocs septiques : hypotension, hypoxie, détresse respiratoire, etc. « Le tocilizumab a une action presque « miraculeuse » chez ces patients car il normalise en quelques heures leurs paramètres inflammatoires ». De même, dans les formes sévères de Covid-19, apparaîtrait également une sur-inflammation pulmonaire responsable d’un tableau hypoxique, d’où l’intérêt de tester le tocilizumab dans cette situation.
La réalisation de deux cohortes séparées a aussi permis une meilleure homogénéité dans chaque groupe, concernant les facteurs de risque et le pronostic des patients. Avec pour objectif principal la réduction de la mortalité à 28 jours, cet essai multicentrique de phase II prévoit d’inclure 273 patients en région parisienne (au sein de l’AP-HP et de Gustave Roussy) et en région Rhône Alpes. « Grâce à un processus accéléré de validation des autorisations réglementaires, les inclusions sont prêtes à démarrer, annonce le Dr Cassier. Nous espérons pouvoir inclure les patients en une quinzaine de jours et obtenir les premiers résultats d’ici six à huit semaines ». Cet essai modulable pourrait également prévoir l’introduction de nouveaux bras d’immunothérapie dans les semaines à venir.
ONCOVID-19, une étude observationnelle nationale
Les données chinoises, rapportant un surrisque lié à l’infection chez les patients atteints de cancers, ont des effectifs très faibles (une vingtaine de patients sur 1 500 cas). Une étude épidémiologique collaborative nationale est donc également mise en place au sein de l’ensemble des Centres de lutte contre le cancer et de nombreux centres hospitaliers. Coordonnée au centre Léon Bérard par les Drs Philippe Zrounba et Souad Assaad, l’étude ONCOVID-19 inclut les patients atteints de cancer, aussi bien suspectés d’être infectés que testés positifs au SRAS-CoV-2. Dans l’analyse, les deux types de patients (positifs et négatifs) sont distingués et pourront être comparés. Au total, plus d'une centaine de patients ont déjà été inclus. « Nous avons besoin de générer des données pour nous guider dans le diagnostic et la prise en charge », reconnaît le Dr Cassier. En effet, le diagnostic est plus complexe à poser chez les patients atteints de cancer car la toux et la fièvre sont des symptômes fréquents, en dehors de l’infection Covid-19. « Pour l’instant, au centre Léon Bérard de Lyon (moins touché par l’épidémie que d’autres régions), environ 10 % des patients cancéreux testés sont positifs. La majorité des patients positifs ont une hémopathie (leucémie, lymphome), leurs traitements étant davantage immunosuppresseurs », relève le Dr Cassier.
D’après un entretien avec le Dr Philippe Cassier (Centre Léon Bérard de Lyon), le 9 avril 2020.
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