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Cancer familial : le recours au test et au conseil génétique est insuffisant

Publié le 30/09/2013
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Crédit photo : PHANIE

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Crédit photo : DR

ON ESTIME que 5 à 10 % des cancers du sein et/ou de l’ovaire sont d’origine génétique. L’Institut national du Cancer (INCa) est en France le seul organisme à financer les tests de dépistage des cancers du sein familiaux. La prédisposition génétique au cancer du sein est le plus souvent liée à l’altération des gènes BRCA1 et BRCA2 mais ils ne sont les seuls. Un bilan de l’évolution de l’activité en oncogénétique récemment publié montre une augmentation du nombre des consultations et des tests pratiqués en France en dix ans (2003 à 2011). Plus de 140 000 consultations et 70 000 tests ont été réalisés dans le cadre du cancer du sein. Dans 86 % des cas, les résultats ont mis en évidence un risque familial probable lié au BRCA1 ou 2 mais pas seulement, ces gènes ne recouvrant qu’une partie du risque transmissible. Quelques autres gènes ont été identifiés (P53, PTN, STK11), ne rendant compte que de 1 % des cas.

Près de 13 000 femmes se sont révélées être porteuses du gène BRCA1/2, ce qui, estiment le Pr Pascal Pujol et coll. les auteurs du bilan, « ne représentent que 15,8 % des porteurs potentiels de la mutation en France ». Les auteurs soulignent l’insuffisance du recours au conseil génétique et aux tests de dépistage.

Les études sur le dépistage génétique des cancers BRCA1/2 (qui sont à transmission mendélienne classique autosomique dominante), confirment que les tests sont peu réalisés dans les familles touchées. La notion d’un risque familial doit être évoquée en face d’une agrégation de cas supérieure au hasard, par exemple, lorsque 3 cas de cancers du sein sont identifiés dans une famille qui compte 10 femmes. Mais il peut y avoir agrégation de cas sans qu’il y ait une prédisposition héréditaire majeure (on peut par exemple imaginer un effet commun aux membres de la famille de l’environnement sur une prédisposition modérée). Seulement 30 % des femmes concernées qui pourraient faire le test le réalisent en pratique. La transmission de l’information du cas index aux personnes du premier degré (sœur, fille) est effective, mais beaucoup moins celle aux personnes des degrés suivants (tante, cousine…). Dans certains cas, les femmes choisissent aussi de ne pas faire le diagnostic. Par ailleurs, l’apparition d’un cancer du sein chez un homme (0,5 % à 1 % du nombre des cancers du sein féminins, 300 à 500 cas par an) doit faire systématiquement rechercher une anomalie génétique familiale, ce qui se révèle être le cas pour 10 %. Dans ce cas ce sont des BRCA2.

L’annexectomie avant la mastectomie.

La mutation du gène BRCA1 confère 75 % de risque cumulé sur la vie entière, celle sur BRCA2 de 56 %. La présence de l’altération chez une femme augmente aussi le risque d’avoir un cancer du sein à un âge précoce, le risque d’avoir un cancer sur le sein controlatéral après le diagnostic du premier cancer et le risque de cancer de l’ovaire. Le risque de ce dernier cancer est de 30 % pour BRCA1 et 10 % pour BRCA2.

La conduite à tenir face à ces risques familiaux dépend du gène identifié ou non, du nombre de cas dans la famille, de l’âge de la patiente, de l’existence de cancer de l’ovaire… Un programme personnalisé de surveillance est mis en place.

En pratique, devant un gène BRCA1/2, le premier geste proposé est une annexectomie bilatérale, qui réduit la mortalité de 21 %. « Car si le cancer de l’ovaire est plus rare que celui du sein dans ce contexte, il est aussi plus difficilement dépistable et curable », souligne le Pr Pujol. La mortalité liée au cancer de l’ovaire est très élevée. « De plus, en réduisant l’imprégnation hormonale, l’ablation des ovaires permet de réduire de moitié la survenue des cancers du sein », poursuit le Pr Pujol (résultats poolés, chez les femmes qui ont eu une annexectomie avant la ménopause, publiés par P. Pujol et coll. dans « Cancer », 2005).

La place de la mastectomie en chirurgie prophylactique du cancer du sein a fait l’objet de beaucoup de discussions dans le public, à la suite de la mastectomie bilatérale subie par Angelina Jolie. « Mais d’un point de vue purement cancérologique, la mastectomie bilatérale à 45 ans réduit le risque de décès à hauteur de 3,5 % », précise le Pr Pujol. Le risque de cancer du sein n’est pas non plus totalement aboli. La réduction du risque est globalement de 90 à 98 %. La chirurgie n’enlève pas la totalité du tissu mammaire. Le tissu restant dépend du type de mastectomie. Par exemple, une chirurgie qui conserve le mamelon, laisse environ 10 % du tissu mammaire en place. « Même pour une mastectomie très radicale, le risque n’est pas nul », insiste le Pr Pujol. Même après la chirurgie, une surveillance clinique reste indiquée.

Les praticiens ont l’alternative de proposer une surveillance rapprochée, fondée sur une IRM associée à une mammographie tous les ans. Les femmes jeunes porteuses d’un gène familial ont des formes trompeuses (arrondies) qui obligent au couplage des deux examens.

En pratique, il arrive souvent que les deux examens au lieu d’être couplés soient réalisés alternativement tous les 6 mois. « Ce qui n’est pas suffisamment informatif, et est de nature à générer une forte anxiété chez les femmes », relève le Pr Pujol. Ce qui parfois les incite à demander une mastectomie. Les recommandations devraient être bientôt précisées par l’INCA.

Article rédigé d’après un entretien avec le Pr Pascal Pujol, sur une communication au Colloque « Cancer du sein et risques familiaux », Montpellier, 27 septembre 2013.

*Lack of referral for genetic counseling and testing in BRCA1/2 and Lynch syndromes : a nationwide study based on 240,134 consultations and 134,652 genetic tests ; Pujol P. et coll. in « Breast cancer Research and Treatment » (2013) 141 :135-144.

 Dr BÉATRICE VUAILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9267