Une cagnotte pour financer un traitement contre le cancer : tel est le pari qu'a lancé Leslie Salut, 40 ans, mère d'un enfant, travailleuse indépendante, exerçant comme comportementaliste équin en Camargue, qui accuse l'Assurance-maladie de l'avoir « abandonnée dans sa lutte contre le cancer », en refusant de rembourser son Avastin. « Créer cette cagnotte est une démarche difficile pour moi car je pense que ce n'est pas aux citoyens de financer mes soins (...). Mais face à cette injustice je ne peux qu'agir, simplement pour pouvoir recevoir au moins une injection rapidement », écrit-elle sur le site de crowfounding. « Le coût exact de mon injection est de 1 632,65 euros toutes les 3 semaines », précise-t-elle. Ce 12 avril, le compteur affiche 32 248 euros, soit presque la totalité du financement de 25 injections, et 18 mois de traitement.
En 2009, Leslie Salut est atteinte d'un cancer du sein : chimiothérapie, mastectomie, radiothérapie. En 2013, elle subit une récidive avec métastases aux os, au foie, à la plèvre. Puis en novembre 2015, une seconde récidive. « Le péritoine, le foie, les os sont touchés. La patiente est peu symptomatique, souhaite continuer à travailler et à s'occuper de son enfant qu'elle élève seule, et ne veut pas perdre de nouveau cheveux et sourcils », explique au « Quotidien » son oncologue, le Dr Jean-Loup Mouysset, qui la suit dans une clinique, à Aix. La patiente est d'abord sous chimiothérapie orale Xeloda (ou capécitabine) et Navelbine (ou vinorelbine). « En janvier 2016, je rajoute l'Avastin. En mars 2017, les derniers bilans clinique et radiologique montrent la stabilité des lésions et la baisse des marqueurs tumoraux. Depuis 14 mois, il y a donc un bon contrôle de la maladie, avec maintien de sa vie sociale et professionnelle », assure le Dr Mouysset.
Or depuis le 1er septembre 2016, l'Avastin est radié partiellement de la liste en sus sur laquelle il était inscrit (et qui permettait son remboursement à 100 %) notamment dans son indication en association à la capécitabine, en traitement de première ligne du cancer du sein métastatique, chez les patientes pour lesquelles un traitement avec d'autres options de chimiothérapie incluant des taxanes ou des anthracyclines n'est pas approprié. Dans cette indication, le service médical rendu (SMR) a été jugé insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale, et l'amélioration du SMR, absente, dans une décision de la commission de transparence de la HAS, en avril 2016.
Refus de l'Assurance-maladie de faire une exception
L'indication Avastin + capécitabine n'est pas éligible aux financements de continuité de traitement. En mars 2017, c'est l'impasse pour Leslie Salut et son oncologue qui écrit au médecin-conseil national de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAMTS), pour demander « une autorisation exceptionnelle de prise en charge financière hors groupement homogène de séjour (GHS) », faisant valoir le contexte de « 4e ligne thérapeutique » et surtout « l'efficacité réelle » qu'a le médicament sur la patiente. En vain : le cabinet répond par la négative, en se fondant sur les nouvelles règles de remboursement. « On a l'impression d'être face à un robot, un ordinateur, sans considération de l'être humain », soupire le Dr Mouysset.
« Certes, le médicament dans cette indication ( + capécitabine) est sorti du processus dérogatoire qu'est la liste en sus, mais il continue à être financé par l'assurance-maladie dans le cadre des GHS, c'est-à-dire le droit commun », réagit le Dr Geneviève Motyka du cabinet du médecin-conseil national de la CNAMTS. « Normalement, ce médicament doit être pris en charge par la clinique », précise-t-elle. L'Assurance-maladie indique par ailleurs avoir pris contact avec le régime social des indépendants (dont relève Leslie Salut) pour démêler l'affaire.
Le coût et l'évaluation des anticancéreux en cause
Les cancérologues s'alarment régulièrement du coût des anticancéreux innovants. L'année dernière, alors que se profilait la réforme de la liste en sus, une trentaine de professionnels des CHU, CHG, centres de lutte contre le cancer, sociétés savantes, ou centres privés, avait déjà alerté le ministère de la santé: « En cas de sortie de telle ou telle molécule de la liste en sus, ces établissements seront amenés à décider de financer ou non les traitements correspondants, ce qui créera immanquablement des situations d'inégalités de fait entre patients, entre établissements, entre territoires de santé », écrivaient-ils.
« Il existe un problème d'évaluation réelle du médicament, qui prenne en compte de manière plus exhaustive l'aspect médico-économique (y compris avec retour à l'emploi, qualité de vie, etc.) », estime aujourd'hui le Dr Paul Cottu, chef de service à l'Institut Curie en oncologie médicale, en appelant à une meilleure information du grand public comme des médecins. Et « pourquoi pas », avance-t-il, prévoir des lignes budgétaires particulières pour financer, au cas par cas, des thérapies hors liste en sus, hors GHS.
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