Précoce ou tardive, la toxicité myocardique des chimiothérapies est un problème majeur en oncologie. Son incidence dépend du type de chimiothérapie, des doses reçues et des associations utilisées ; elle peut atteindre 48 % pour les anthracyclines et 20 % pour les thérapies ciblées. Par ailleurs, en raison du vieillissement de la population, les patients recevant une chimiothérapie anticancéreuse ont de plus en plus souvent des facteurs de risque ou des pathologies cardiovasculaires. La cardiotoxicité expose les patients au risque d’insuffisance cardiaque, et à celui de devoir interrompre un traitement contre le cancer.
La Société européenne de cardiologie a récemment pris position sur la prise en charge des patients atteints de cancer face aux risques cardiovasculaires de leurs traitements (1). Ce premier consensus ne fait pas l’objet de recommandations formelles, en l’absence de données suffisamment probantes, mais, il propose une stratégie de prise en charge.
Évaluation avant chimiothérapie
L’identification des patients à risque cardiovasculaire est fondamentale avant un traitement oncologique, en particulier par les anthracyclines et les anticorps monoclonaux. Ce risque doit être pris en considération par l’oncologue qui détermine la stratégie thérapeutique (sélection de la chimiothérapie, modalités d’administration, horaire et surveillance). L’évaluation initiale d’un patient devant recevoir une chimiothérapie cardiotoxique a pour but de déterminer son risque de développer une cardiotoxicité aux chimiothérapies.
Les recommandations proposent d’associer à une consultation cardiologique, la mesure d’une fraction d’éjection du ventricule gauche par échographie, scintigraphie ou résonance magnétique cardiaque. Il est également introduit la possibilité d’utiliser le dosage de troponine hypersensible et la mesure du strain longitudinal global afin d’optimiser la détection d’une anomalie cardiaque infraclinique.
Les experts rappellent aussi l’importance d’effectuer l’évaluation initiale et la surveillance en utilisant la même technique d’imagerie et les mêmes dosages de biomarqueurs.
Faut-il introduire un traitement préventif ?
Les résultats des études évaluant le bénéfice d’un traitement par IEC, bêtabloquants ou l’association des deux pour prévenir la survenue d’une cardiotoxicité étant controversés, ces traitements ne sont pas recommandés en prévention primaire chez les patients à faible risque de cardiotoxicité (2). Cependant, ces recommandations suggèrent de proposer cette association aux patients à plus haut risque. Le traitement doit alors être introduit le plus précocement possible, y compris chez les patients asymptomatiques. L’étude de phase 3 SAFE, randomisée à simple insu versus placebo, a été mise en œuvre chez des patients atteints de cancer du sein métastatique traités par anthracyclines avec ou sans trastuzumab, afin d’évaluer l'effet du bisoprolol, du ramipril ou de l’association de ces deux molécules, sur les lésions cardiaques infracliniques induites par la chimiothérapie. L’évaluation des traitements est réalisée par l’étude de la déformation myocardique à l'aide du « speckle tracking » (3).
Le dexrazoxane est un chélateur des ions métalliques analogue de l'EDTA. Il limite la cardiotoxicité chronique cumulative des anthracyclines (4,5). Il reste peu utilisé en France. Enfin, en raison de son effet cardioprotecteur, un exercice physique aérobie devrait être encouragé.
Comme l’a souligné P. Gibelin, il est actuellement proposé « de former des cardio-oncologistes ou oncocardiologues pour évaluer ces patients et prendre en considération le bénéfice risque voire le risque risque dans certain cas ».
(1) Zamorano JL, et al. Eur Heart J 2016; 37(36): 2768-801
(2) van Dalen EC, et al. Cochrane Database Syst Rev 2011;6: Cd003917
(3) Meattini I, et al. Med Oncol 2017;34(5):75
(4) Marty M, et al. Ann Oncol 2006;17(4): 614-22
(5) Kim IH, et al. J Breast Cancer 2017;20(1): 82-90
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