« DANS LE DOMAINE de la chimiothérapie, il n’y a pas eu de grande nouveauté thérapeutique depuis l’avènement du taxotère, mais nous avons démembré les cancers du sein en fonction de sous-groupes d’agressivité », explique le Dr Mignot. On distingue ainsi les tumeurs surexprimant HER2, qui répondent bien aux thérapies ciblées, et les tumeurs triple négatif, n’exprimant ni les récepteurs hormonaux ni HER2, très agressives et pour lesquelles nous essayons de nouvelles chimiothérapies (sels de platine, ixabépilone).
Toujours dans le domaine de la chimiothérapie, une place plus importante est donnée aux traitements par voie orale, et la capécitabine est administrée aujourd’hui de façon plus précoce. Enfin, les traitements hormonaux ont connu l’ère des antiestrogènes, puis celles des antiaromatases, stéroïdiennes ou non ; la seule molécule nouvelle est un antiestrogène pur, le fulvestrant.
Combattre la surexpression de HER2.
« Il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, toutes les énergies sont concentrées sur les thérapies dites ciblées parce qu’elles ciblent des gènes surexprimés qui codent pour des facteurs de croissance. Dans ce cadre, deux grandes voies –HER2 et angiogenèse- ont été explorées, ce qui a d’ores et déjà permis des avancées considérables ».
Environ 20 % des cancers du sein métastatiques surexpriment HER2 et pour ces tumeurs, l’herceptine fait maintenant partie du standard thérapeutique. Cependant, la survenue de résistances à l’herceptine a conduit à développer des traitements ciblant d’autres voies de signalisation pour combattre la surexpression de HER2. Une molécule inhibant la voie mTor est évaluée en association à l’herceptine. Le lapatinib, qui agit pour sa part sur plusieurs gènes HER (et non pas le seul HER2), a obtenu l’AMM en échec de l’herceptine pour sa capacité à réduire le risque de métastatases cérébrales. Cette molécule est en cours d’évaluation avec l’herceptine d’emblée ou en substitution à l’herceptine.
La voie de l’antiangiogenèse.
Le deuxième grand volet des thérapies ciblées porte sur la voie de l’antiangiogenèse. L’inhibition du VEGF par le bevacuzimab, qui n’agit que sur certains de ces facteurs de croissance, a donné des résultats certes significatifs mais modestes, notamment avec le taxotère. Ce qui explique que d’autres antiangiogéniques, tels que le sunitinib soient en cours d’évaluation, en première ou en deuxième ligne. Ainsi, dans les formes métastatiques, l’association chimiothérapie-thérapie ciblée permet d’augmenter la survie, avec une médiane de vie qui dépasse actuellement 2 ans.
Facteurs pronostiques et cellules circulantes.
Mais pour améliorer le taux de guérison, il faudrait toutefois pouvoir traiter plus tôt dans l’évolution de la maladie, ce qui passe notamment par une meilleure connaissance des facteurs pronostiques. « Pour l’instant, nous avons défini des sous-groupes pronostiques : tumeurs HER2, tumeurs triple négatif, tumeurs très différenciées et très hormonosensibles. Le recours à la signature génomique serait plus précis que les stratégies fondées sur les facteurs pronostiques classiques, mais il est onéreux et fait actuellement l’objet d’un protocole d’étude en Europe.
« Par ailleurs, souligne le Dr Mignot, nous essayons de trouver des facteurs, fondés notamment sur l’étude de cellules tumorales circulantes, qui permettraient de mieux définir le pronostic individuel au stade précoce de la maladie. Il s’agit là d’une voie de recherche très intéressante, qui porte sur la période néoadjuvante et non plus sur le stade métastatique. Cette technologie, complexe, est en cours d’évaluation, et pourrait être utilisable dans quelques années ».
Toujours dans le cadre de la prise en charge néoadjuvante, des essais faisant appel à la pratique de biopsies itératives au moment du diagnostic, avant même d’opérer, visent également à mettre au jour des facteurs pronostiques qui pourraient ensuite guider la stratégie thérapeutique.
Une autre voie de progrès repose sur les traitements. Dans les tumeurs triple négatif, qui sont sensibles à la chimiothérapie mais rechutent vite, les antiangiogéniques sont évalués dans l’objectif de ralentir la progression. Dans les tumeurs HER2, différentes études visent à définir de façon précise la place de l’herceptine et du lapatinib. Quant aux tumeurs hormonosensibles, les indications et la durée optimale du traitement hormonal font l’objet d’études.
« La prise en charge du cancer du sein va devenir ainsi de plus en plus complexe, ce qui souligne l’importance du développement de centres de soins dédiés à cette pathologie », conclut le Dr Mignot.
* D’après un entretien avec le Dr Laurent Mignot, service d’oncologie, Institut Curie, Paris.
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