« AUJOURD’HUI, le dépistage du cancer de la prostate est remis en cause en raison d’un surdiagnostic de l’ordre de 30 %… Ce qui veut donc dire que deux tiers des diagnostics se font à bon escient ! Sachant qu’un diagnostic positif n’est pas forcément synonyme d’intervention chirurgicale : l’AFU développe à cet égard des protocoles de surveillance active pour éviter les interventions inutiles. Et tant que l’on ne saura pas distinguer les cancers potentiellement agressifs de ceux qui ne le sont pas, le problème du dépistage se posera. Par ailleurs, il est curieux que cette remise en cause survienne au moment où les résultats d’une étude européenne viennent d’être publiés (ERSCP, N. Engl. J. Med., 15 mars 2012), c’est-à-dire à un moment où il n’y a jamais eu autant de données en faveur du dépistage du cancer de la prostate ! Cette étude montre en effet que, grâce au dépistage du cancer de la prostate, on obtient une baisse de la mortalité de 21 %. Par ailleurs, le dépistage permet une nette diminution du nombre de patients découverts au stade métastatique et dont la qualité de vie est déjà bien altérée » remarque le Dr Christian Castagnola.
C’est pourquoi, depuis 2003, l’AFU fait la promotion du dépistage individuel du cancer de la prostate et insiste sur l’importance d’aborder le patient dans sa spécificité et sa singularité. Le rôle de l’urologue, c’est bien de lui expliquer que l’on peut faire un dépistage et que si à l’issue de ce dépistage, on découvre une tumeur prostatique localisée, on lui proposera le traitement le mieux adapté à son cas.
Dans la situation actuelle, « il apparaît important de revenir à nos « fondamentaux », c’est-à-dire à la discussion avec le patient de façon à lui donner l’information la plus honnête possible, tout en respectant son autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice, quatre principes cardinaux communément admis et définis par Tom Beauchamp et James Childress dans « Principles of biomedical ethics ». A contrario, les recommandations et les guidelines sont basées sur des données statistiques : elles ont leur importance, mais ne doivent pas se substituer au devoir du médecin. A ce propos, un médecin généraliste fait actuellement l’objet d’un procès par un patient qui l’accuse de ne pas avoir dépisté assez tôt son cancer de la prostate », poursuit le Dr Castagnola.
Il est vrai qu’une prostatectomie radicale peut provoquer une impuissance. Mais, à l’inverse, l’absence de dépistage peut conduire à la découverte tardive d’une tumeur évoluée au stade métastatique avec, à la clé, une altération majeure de la qualité de la vie et la mise en jeu du pronostic vital.
« On ne peut pas dire que,en opérant de petits cancers prostatiques, on contribue à mutiler des hommes pour « rien » et ce d’autant plus que, dans cette tranche d’âge, de 30 à 40 % des hommes ont déjà des troubles de l’érection. Il faut encore ajouter que même lorsque la prostatectomie entraîne une dysérection, il existe des solutions thérapeutiques. Tous ces arguments sont à mettre en balance et c’est pourquoi il est primordial que le patient soit le mieux informé possible, pour au final, décider de ce qui est le plus acceptable pour lui. Enfin, il ne faut pas oublier de rappeler au patient le rôle exact d’une prostate : encore trop d’hommes placent toute la symbolique de leur virilité dans cet organe », précise le Dr Castagnola.
L’intérêt d’une discussion collégiale.
Le recours à la discussion collégiale des dossiers est aussi un moyen de partager ses connaissances, mais aussi ses doutes. Le « retour d’expérience », établi par l’intermédiaire de l’AFU, est également utile. « Il est capital de pouvoir se situer par rapport à ses confrères afin d’analyser et de se questionner sur ses propres pratiques. En effet, l’établissement de normes de fonctionnement fondées sur l’étude de statistiques risque de ne pas garantir une prise de décision indépendante et remplissant tous les critères éthiques, dans l’intérêt d’un patient donné. La décision médicale ne saurait donc être le fait de la simple lecture d’un arbre décisionnel fondé sur des référentiels établis par les pouvoirs publics comme remède miracle aux dépenses de santé », rappelle enfin le Dr Christian Castagnola.
D’après un entretien avec le Dr Christian Castagnola, responsable du comité d’éthique et de déontologie de l’AFU, urologue à Mougins.
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