LE THÈME a été choisi depuis deux ans, avaient pris soin d’indiquer les organisateurs. Un thème devenu polémique après la publication en octobre d’un livre très critique sur le sujet, « No Mammo ? » (éditions Max Milo) de la kinésithérapeute Rachel Campergue, préfacé par le Dr Bernard Junod de l’École nationale de santé publique. Le Dr Brigitte Séradour, coordinatrice du Suivi national du dépistage de 2007 à 2010, explique : « On ose, dans un congrès médical, dire que le surdiagnostic existe ». L’objectif, selon le président de la SFSPM, Richard Villet, était de rechercher un nouvel équilibre entre « la crainte de ne pas faire assez » et le risque « d’en faire trop ». Car, a-t-il ajouté, « l’enfer est pavé de bonnes intentions. »
Le problème soulevé par les détracteurs du dépistage organisé n’est pas nouveau. La mammographie, recommandée tous les deux ans pour les femmes de 50 à 74 ans, peut conduire à des examens inutilement pénibles et angoissants pour celles chez qui l’anomalie retrouvée est finalement bénigne (faux positifs). De même, il peut conduire à un surtraitement pour des cancers qui ne se seraient jamais manifestés cliniquement. Le Pr Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer (InCA), l’avait rappelé lors du lancement d’Octobre rose, le surdiagnostic « touche un nombre relativement faible des cancers, probablement nettement moins de 5 à 10 % » (« le Quotidien » du 30 septembre). En termes de santé publique, le calcul du bénéfice/risque est selon elle en faveur du dépistage. Lorsque le cancer du sein est détecté à un stade précoce, la survie à 5 ans est de 90 %.
Un maximum de 10 %.
Lors du congrès de la SFSPM, les spécialistes ont néanmoins souligné la difficulté de mesurer l’importance du surdiagnostic. En fonction des études, le risque varie de 1 à 50 % des cancers dépistés. « En France, aucune évaluation nationale précise du surdiagnostic n’a encore été publiée », a reconnu le Dr Séradour. Le pourcentage de 10 % lui semble cependant constituer un « maximum ». « Le surdiagnostic est un inconvénient du dépistage », a estimé Jacques Fracheboud (Erasmus University Medical Center, Rotterdam), mais, a-t-il ajouté, il est « inévitable ». Face à des « petits » cancers du sein, il est aujourd’hui impossible de prévoir précisément ceux qui ne vont pas évoluer. Avec les progrès de la technologie, ce type de petites lésions est de plus en plus fréquemment détecté, ce qui risque d’augmenter le surdiagnostic.
Toutefois, certaines données sont, selon les spécialistes, plutôt « rassurantes », comme la stabilité des taux de détection de cancers du sein dans le cadre du dépistage organisé, la baisse du taux de faux positifs, la stabilité du taux de mastectomie totale depuis 2005 chez les 50-74 ans ou encore la baisse de la mortalité.
Communiquer sur l’incertitude.
Entre 2004, année de la généralisation du dépistage, et 2008, le taux de détection des cancers du sein est stable, voire en légère baisse. En 2008, 14 000 cancers du sein ont ainsi été détectés soit un taux de 6,3 cancers pour 1 000 femmes dépistées (6,7 pour 1 000 en 2005). Le pourcentage de cancers in situ détectés au cours de la même période est lui aussi « stable » autour de 15 %. En revanche, le taux de faux positifs est en baisse, de 10 % en 2004 à 7 % en 2008, une diminution particulièrement significative chez les femmes chez qui une biopsie chirurgicale a été réalisée. « Le risque d’effectuer un examen chirurgical traumatisant chez des femmes dont le diagnostic est bénin semble donc en baisse », a commenté Agnès Rogel (Institut de veille sanitaire). Le recours aux biopsies chirurgicales est d’ailleurs en forte diminution au profit des microbiopsies et des macrobiopsies.
Quant au taux de mastectomie, s’il a tendance à augmenter depuis 2005 (29,1 % des séjours chirurgicaux pour cancer du sein en 2009 contre 27,7 % en 2005 tous âges confondus), la hausse est surtout marquée chez les femmes de moins de 40 ans (36,3 % contre 30,1 %). En revanche, chez les 50-74 ans, la population cible du dépistage dont le nombre a progressé de 5 % au cours de la période, le taux de mastectomie est relativement stable (25,1 % en 2009 contre 24,6 % en 2005). La baisse de la mortalité par cancer du sein (19,8 pour 100 000 en 1984-1988 contre 17,2 en 2004-2008 et 16 pour les projections de l’année 2011) est également un signe positif même s’il est difficile de faire la part de ce qui revient au dépistage de qui doit être attribué au progrès de la prise en charge.
« Nous ne sommes pas dans une épidémie de cancers du sein », a fait observer le Dr Séradour lors du Congrès. Et le surdiagnostic ne constitue pas pour l’heure une « catastrophe », a-t-elle par ailleurs assuré. Informer sur le sujet reste néanmoins difficile. « La médecine doit savoir communiquer sur l’incertitude et les limites du savoir médical », a conclu Bettina Borisch (université de Genève), présidente d’Europa Donna Europe, coalition européenne contre le cancer du sein.
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